Entre la culture juridique d’inspiration française laïque et étatique prodiguée au Liban et dominant la pensée politique, prônant une centralisation des valeurs et des pratiques de la vie sociale d’une part, les pesanteurs confessionnelles et régionales traditionnelles, voire tribales qui continuent à marquer les comportements «de terrain» des Libanais d’autre part, et, plus récemment, les aspirations d’une frange de la jeunesse à un «changement» certes légitime, mais dont les contours semblent encore flous et disparates, il nous a paru utile d’exposer, puis de dissiper, en les déconstruisant, certaines fictions et illusions fréquentes dans le discours politique actuel.
III-Déterminants internes /et déterminants externes : le dogme de l’influence prédominante des déterminants internes
Le débat a été enclenché au commencement de la guerre, en 1975. Le schéma explicatif du Mouvement national et de la gauche marxisante était que l’origine du conflit libanais résidait dans les tensions sociales (luttes de classes) qui minaient le régime politique confessionnel et sa base économique relative aux modes de production des services financiers et commerciaux. D’après cette thèse, les fondements de la crise, de la violence et des confrontations armées résidaient donc dans la structure interne de la «boîte». Il s’agissait, en somme, de défauts de fabrication originels lesquels, au cours de la dynamique du processus de confrontation, ont naturellement attiré des acteurs et des intervenants externes en tant qu’alliés et soutiens. D’où l’insistance de cette mouvance à dénommer la guerre du Liban :«Guerre civile».
La thèse opposée, elle, se trouve, par exemple, dans l’ouvrage de Farid Elias el-Khazen, The breakdown of the State in Lebanon, 1967-1976 (L’Effondrement de l’État au Liban). Il y soutient que l’évolution interne du Liban se déroulait de «façon normale», propre à tout État «jeune», nouvellement constitué depuis moins d’un siècle. Les tensions sociales et les dysfonctions du régime de partage confessionnel, dans un cadre constitutionnel démocratique, étaient, somme toute, des faits «naturels» pour une entité qui venait tout juste de se détacher du tout-puissant Empire ottoman après la grande guerre, et dont l’indépendance réelle n’avait débuté qu’en 1943. Toujours est-il que la majorité des élites et de la classe politique était consciente de cet état de fait et tentait d’y remédier, notamment à l’époque chéhabiste, entre 1959 et 1965.
Cependant, à partir de 1967, le poids des facteurs externes s’est abattu sur le pays comme une chape de plomb : militarisation de la société au nom d’un vague projet résistant, déversement d’argent, d’armes et d’équipements militaires fournis par des joueurs externes et, surtout, instrumentalisation des problèmes sociaux pour une mobilisation antiétatique et antisouverainiste. D’où la dénomination de la guerre par cette mouvance «Une guerre pour les autres», selon le titre éponyme de l’ouvrage bien connu de Ghassan Tuéni.
Au cours de cette «guerre pour les autres», le Liban a expérimenté une situation complètement inédite : le facteur palestinien, formellement facteur externe, est devenu simultanément un facteur interne, et cela de par sa présence armée et son expansion dans la société libanaise, notamment grâce au financement et à l’armement des partisans et des partis locaux. Cette situation, qui échappait totalement aux autorités gouvernementales, a automatiquement entraîné un flux de joueurs et d’intervenants externes, réduisant ainsi à leur plus simple expression les facteurs internes et leur influence sur le cours des événements et de l’histoire.
On a ainsi pu assister, depuis 1976 jusqu’à nos jours, à l’élection de huit présidents de la République, tour à tour cautionnés ou franchement nommés par la Syrie, Israël, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et enfin l’Iran. Et tous les gouvernements qui se sont succédé n’ont pu voir le jour qu’à la suite d’un feu vert ou d’une intervention des forces régionales et/ou internationales.
En conclusion, il est impératif que les réformistes et les tenants de grands projets de changements sociopolitiques au Liban tiennent compte, dans cette conjoncture qui s’annonce longue, du rôle largement déterminant des facteurs externes sur la «boîte libanaise». Cela signifie, à notre sens, que les acteurs externes s’autorisent «un droit de regard» et même «un droit d’agrément» sur les projets de réformes et de changement induits par les acteurs locaux. En d’autres termes, il faudrait être conscient qu’il existe un seuil limite de réformes et que les joueurs externes régionaux ne toléreront pas qu'il soit franchi au Liban.
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Le débat a été enclenché au commencement de la guerre, en 1975. Le schéma explicatif du Mouvement national et de la gauche marxisante était que l’origine du conflit libanais résidait dans les tensions sociales (luttes de classes) qui minaient le régime politique confessionnel et sa base économique relative aux modes de production des services financiers et commerciaux. D’après cette thèse, les fondements de la crise, de la violence et des confrontations armées résidaient donc dans la structure interne de la «boîte». Il s’agissait, en somme, de défauts de fabrication originels lesquels, au cours de la dynamique du processus de confrontation, ont naturellement attiré des acteurs et des intervenants externes en tant qu’alliés et soutiens. D’où l’insistance de cette mouvance à dénommer la guerre du Liban :«Guerre civile».
La thèse opposée, elle, se trouve, par exemple, dans l’ouvrage de Farid Elias el-Khazen, The breakdown of the State in Lebanon, 1967-1976 (L’Effondrement de l’État au Liban). Il y soutient que l’évolution interne du Liban se déroulait de «façon normale», propre à tout État «jeune», nouvellement constitué depuis moins d’un siècle. Les tensions sociales et les dysfonctions du régime de partage confessionnel, dans un cadre constitutionnel démocratique, étaient, somme toute, des faits «naturels» pour une entité qui venait tout juste de se détacher du tout-puissant Empire ottoman après la grande guerre, et dont l’indépendance réelle n’avait débuté qu’en 1943. Toujours est-il que la majorité des élites et de la classe politique était consciente de cet état de fait et tentait d’y remédier, notamment à l’époque chéhabiste, entre 1959 et 1965.
Cependant, à partir de 1967, le poids des facteurs externes s’est abattu sur le pays comme une chape de plomb : militarisation de la société au nom d’un vague projet résistant, déversement d’argent, d’armes et d’équipements militaires fournis par des joueurs externes et, surtout, instrumentalisation des problèmes sociaux pour une mobilisation antiétatique et antisouverainiste. D’où la dénomination de la guerre par cette mouvance «Une guerre pour les autres», selon le titre éponyme de l’ouvrage bien connu de Ghassan Tuéni.
Au cours de cette «guerre pour les autres», le Liban a expérimenté une situation complètement inédite : le facteur palestinien, formellement facteur externe, est devenu simultanément un facteur interne, et cela de par sa présence armée et son expansion dans la société libanaise, notamment grâce au financement et à l’armement des partisans et des partis locaux. Cette situation, qui échappait totalement aux autorités gouvernementales, a automatiquement entraîné un flux de joueurs et d’intervenants externes, réduisant ainsi à leur plus simple expression les facteurs internes et leur influence sur le cours des événements et de l’histoire.
On a ainsi pu assister, depuis 1976 jusqu’à nos jours, à l’élection de huit présidents de la République, tour à tour cautionnés ou franchement nommés par la Syrie, Israël, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et enfin l’Iran. Et tous les gouvernements qui se sont succédé n’ont pu voir le jour qu’à la suite d’un feu vert ou d’une intervention des forces régionales et/ou internationales.
En conclusion, il est impératif que les réformistes et les tenants de grands projets de changements sociopolitiques au Liban tiennent compte, dans cette conjoncture qui s’annonce longue, du rôle largement déterminant des facteurs externes sur la «boîte libanaise». Cela signifie, à notre sens, que les acteurs externes s’autorisent «un droit de regard» et même «un droit d’agrément» sur les projets de réformes et de changement induits par les acteurs locaux. En d’autres termes, il faudrait être conscient qu’il existe un seuil limite de réformes et que les joueurs externes régionaux ne toléreront pas qu'il soit franchi au Liban.
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