©Crédit: Thomas Coex/AP
Plumassier officiel du Lido, Dominique de Roo crée des costumes féériques depuis 50 ans. Mais en 2020, lorsque le Covid stoppe nets spectacles et défilés de mode, il se résigne à fermer. C’est alors que la relève arrive, sous les traits d’un jeune Népalais de 20 ans.
Dans quelques semaines le mythique cabaret des Champs-Élysées accueillera sa dernière revue à plumes et dira adieu à ses « Bluebell girls » pour devenir une salle de spectacles musicaux, comme le souhaite son repreneur, le groupe hôtelier Accor, avec à la clé 157 postes supprimés sur 184.
« C’est un choc : le Lido n’était pas un client, c’était une deuxième famille : ça payait mon loyer, mais c’était plus que ça. Et j’ai beaucoup de peine pour tous ceux qui seront licenciés », dit M. de Roo, 73 ans, dont l’entreprise familiale, RD Plumes, travaille pour le Lido depuis deux générations.
Dans sa boutique-atelier du Sentier, de jeunes stylistes viennent, les yeux brillants, acheter des plumes d’autruche, d’oie, de coq ou de faisan rouge corail ou vert émeraude tandis qu’Émilie, Émilienne, Camille et Lison, des stagiaires âgées de 19 à 23 ans, découpent patiemment des plumes destinées aux jupons des danseuses du cabaret.
« Les Champs-Élysées sans le Lido, ce ne sera plus tout à fait pareil », dit-il. « Il y a encore du french cancan au Paradis latin et au Moulin rouge, mais il disparaît... Las Vegas, qui fait beaucoup de belles revues à plumes, est en train de nous battre. J’ai été contacté par des gens de là-bas, mais à mon âge... peut-être que Sujan ira ».
En 2020, alors que la maison fête ses 150 ans, la crise sanitaire le pousse à « tout arrêter ». « Et puis... Sujan est arrivé », dit-il.
Venu du Népal à 20 ans, en mars 2019, pour faire l’école hôtelière SHG à Lyon, Sujan Gurung se retrouve désœuvré un an plus tard, lorsque la pandémie du Covid-19 paralyse la restauration.
Il rencontre alors Dominique de Roo, qui lui montre son atelier. « En nous regardant travailler il m’a dit “ça n’a pas l’air compliqué”. J’ai répondu “Essaie...”, et il a réalisé une structure de spectacle en rose et blanc : une pure merveille ».
« Il faut aimer les plumes »…
Créatif, Sujan enchaîne avec des broches, des tableaux, et rejoint l’atelier du Lido, qui répare les costumes des danseurs. « Pour travailler avec, il faut aimer les plumes : il y a beaucoup de techniques à apprendre et c’est un métier très rare : c’est intéressant de continuer ça », dit-il, ajoutant : « au Népal, on a beaucoup d’oiseaux, mais on ne sait pas comment utiliser les plumes ».
Le plumassier de Jean-Paul Gaultier, Dominique Pillard, le forme à la teinture : il obtient d’emblée des nuances subtiles. « Il a un don », estime M. de Roo, dont la grand-mère, Élisa Didier de Nil, s’est lancée dans la plume en 1870, à Bruges.
Amie de Jeanne Lanvin, elle travaille pour modistes et chapeliers avec des plumes locales de faisan et de coq, avant de racheter une ferme d’autruches en Afrique du Sud. Parmi ses clientes célèbres : Joséphine Baker, qui arbore un posé de hanches ou « faux cul » en plumes de faisan argenté teintes en noir.
Dès l’âge de six ans, Dominique de Roo apprend à découper les plumes et les passer à la vapeur. À 16 ans, il part produire des spectacles, mais revient à 25 ans : « C’était comme l’appel de la mer pour les marins » dit-il. Il rejoint sa mère, Delphina de Nil, « travailleuse de l’ombre » qui côtoie les créateurs Cristobal Balenciaga et Hubert de Givenchy.
Une fois teintes, les plumes sont « frimatées », « vrillées », « frisées », collées, cousues... pour intégrer des costumes de comédies musicales (Priscilla Folle du désert), de cinéma (Valerian de Luc Besson, La favorite de Maïwenn), de séries TV (The Serpent Queen)... ou habiller un cerf grandeur nature ou des teckels pour les vitrines du groupe de luxe Hermès.
La maison « travaille dans le respect de l’animal », dit M. de Roo, utilisant soit des plumes « de mues », soit « récupérées sur des animaux d’élevage abattus pour être consommés » ou encore, pour les autruches, coupées tous les 9 mois, « comme on tond un mouton ».
AFP
Dans quelques semaines le mythique cabaret des Champs-Élysées accueillera sa dernière revue à plumes et dira adieu à ses « Bluebell girls » pour devenir une salle de spectacles musicaux, comme le souhaite son repreneur, le groupe hôtelier Accor, avec à la clé 157 postes supprimés sur 184.
« C’est un choc : le Lido n’était pas un client, c’était une deuxième famille : ça payait mon loyer, mais c’était plus que ça. Et j’ai beaucoup de peine pour tous ceux qui seront licenciés », dit M. de Roo, 73 ans, dont l’entreprise familiale, RD Plumes, travaille pour le Lido depuis deux générations.
Dans sa boutique-atelier du Sentier, de jeunes stylistes viennent, les yeux brillants, acheter des plumes d’autruche, d’oie, de coq ou de faisan rouge corail ou vert émeraude tandis qu’Émilie, Émilienne, Camille et Lison, des stagiaires âgées de 19 à 23 ans, découpent patiemment des plumes destinées aux jupons des danseuses du cabaret.
« Les Champs-Élysées sans le Lido, ce ne sera plus tout à fait pareil », dit-il. « Il y a encore du french cancan au Paradis latin et au Moulin rouge, mais il disparaît... Las Vegas, qui fait beaucoup de belles revues à plumes, est en train de nous battre. J’ai été contacté par des gens de là-bas, mais à mon âge... peut-être que Sujan ira ».
En 2020, alors que la maison fête ses 150 ans, la crise sanitaire le pousse à « tout arrêter ». « Et puis... Sujan est arrivé », dit-il.
Venu du Népal à 20 ans, en mars 2019, pour faire l’école hôtelière SHG à Lyon, Sujan Gurung se retrouve désœuvré un an plus tard, lorsque la pandémie du Covid-19 paralyse la restauration.
Il rencontre alors Dominique de Roo, qui lui montre son atelier. « En nous regardant travailler il m’a dit “ça n’a pas l’air compliqué”. J’ai répondu “Essaie...”, et il a réalisé une structure de spectacle en rose et blanc : une pure merveille ».
« Il faut aimer les plumes »…
Créatif, Sujan enchaîne avec des broches, des tableaux, et rejoint l’atelier du Lido, qui répare les costumes des danseurs. « Pour travailler avec, il faut aimer les plumes : il y a beaucoup de techniques à apprendre et c’est un métier très rare : c’est intéressant de continuer ça », dit-il, ajoutant : « au Népal, on a beaucoup d’oiseaux, mais on ne sait pas comment utiliser les plumes ».
Le plumassier de Jean-Paul Gaultier, Dominique Pillard, le forme à la teinture : il obtient d’emblée des nuances subtiles. « Il a un don », estime M. de Roo, dont la grand-mère, Élisa Didier de Nil, s’est lancée dans la plume en 1870, à Bruges.
Amie de Jeanne Lanvin, elle travaille pour modistes et chapeliers avec des plumes locales de faisan et de coq, avant de racheter une ferme d’autruches en Afrique du Sud. Parmi ses clientes célèbres : Joséphine Baker, qui arbore un posé de hanches ou « faux cul » en plumes de faisan argenté teintes en noir.
Dès l’âge de six ans, Dominique de Roo apprend à découper les plumes et les passer à la vapeur. À 16 ans, il part produire des spectacles, mais revient à 25 ans : « C’était comme l’appel de la mer pour les marins » dit-il. Il rejoint sa mère, Delphina de Nil, « travailleuse de l’ombre » qui côtoie les créateurs Cristobal Balenciaga et Hubert de Givenchy.
Une fois teintes, les plumes sont « frimatées », « vrillées », « frisées », collées, cousues... pour intégrer des costumes de comédies musicales (Priscilla Folle du désert), de cinéma (Valerian de Luc Besson, La favorite de Maïwenn), de séries TV (The Serpent Queen)... ou habiller un cerf grandeur nature ou des teckels pour les vitrines du groupe de luxe Hermès.
La maison « travaille dans le respect de l’animal », dit M. de Roo, utilisant soit des plumes « de mues », soit « récupérées sur des animaux d’élevage abattus pour être consommés » ou encore, pour les autruches, coupées tous les 9 mois, « comme on tond un mouton ».
AFP
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