La France capture un haut responsable de l'Etat Islamique au Mali
Dimanche 12 mai, des soldats français de l'opération Barkane ont capturé au Mali Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). L'opération intervient alors que l'armée française s'apprête, l'été prochain, à quitter le pays de l'Afrique de l'Ouest, qui ne souhaite plus collaborer avec l'Hexagone.

Un important chef jihadiste a été capturé dimanche 12 mai au Mali, en zone frontalière, par des soldats français, au moment où ceux-ci entrent dans la dernière phase de leur retrait de ce pays, a annoncé l'état-major français mercredi 15 mai.

"Dans la nuit du 11 au 12 juin 2022, une opération de la force Barkhane conduite à proximité de la frontière malo-nigérienne a permis la capture d'Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS)", antenne sahélienne de la nébuleuse mondiale, a indiqué l'état-major français dans un communiqué.

Le jihadiste était "un temps pressenti pour succéder à l'ancien émir" Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, a dit à l'AFP une source sécuritaire, faisant référence au chef de l'EIGS tué par l'armée française en août 2021 dans la même région.

armée française Des soldats français de l'opération Barkane ont capturé le djihadiste le 12 mai (AFP)

Un habitant de Tessit et un élu local de cette zone dite des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso) ont confirmé la capture, sous le couvert de l'anonymat, pour des raisons de sécurité. L'élu, joint par téléphone, a fait état "d'une intervention d'un hélicoptère dans un campement".

Oumeya Ould Albakaye était le chef de l’EIGS pour le Gourma, au Mali, et pour l’Oudalan, au nord du Burkina Faso, selon l'état-major.

En parallèle, les mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner sont arrivés mercredi à Ménaka sur la base militaire rétrocédée lundi à l'armée malienne par les Français, qui s'attendent à une nouvelle tentative de manipulation de l'information pour leur nuire, a appris l'AFP de sources concordantes.

Une zone à forte densité terroriste

La zone des trois frontières est un des foyers les plus actifs de la violence polymorphe qui sévit au Sahel. C'est un théâtre d'opérations pour les groupes jihadistes affiliés à l'Etat islamique ou à Al-Qaïda, différents groupes combattants, les armées des trois pays frontaliers et les soldats de la force antijihadiste française Barkhane.

Oumeya Ould Albakaye "a organisé plusieurs attaques contre différentes emprises militaires au Mali, dont celle de Gao. Il dirigeait des réseaux de mise en œuvre d’engins explosifs improvisés", a rapporté l'état-major français. Il visait les routes empruntées par Barkhane pour mener à bien son retrait du Mali et son repositionnement, a-t-il ajouté.

armée française Les soldats français doivent quitter le Mali durant l'été (AFP)

L'état-major dit le tenir pour responsable d’un grand nombre d'exactions contre les populations maliennes et burkinabés.

Barkhane l'interrogera pendant quelques jours avant de le remettre aux autorités maliennes, a-t-on dit à l'état-major, comme elle l'a fait jusqu'alors avec ses autres prisonniers.

La France sur le départ


La France, qui a concentré son action ces derniers mois dans cette zone, a donc opéré au Mali alors que, poussée vers la sortie par la junte au pouvoir à Bamako depuis août 2020, elle est en passe de boucler son retrait militaire de ce pays après neuf ans d'engagement, et de "réarticuler" son dispositif au Sahel. Les autorités maliennes ne s'étaient pas exprimées sur la capture en milieu de journée.

L'armée française a remis lundi 13 mai aux Maliens les clés de la base de Ménaka dans la même vaste région et aura quitté le Mali pour de bon à la fin de l'été avec le transfert de la base de Gao, selon l'état-major français.

Mali Russie Le Mali a décidé de tourner le dos à la France au profit de la Russie (AFP)

Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a de nouveau signifié lundi à l'ONU que les soldats français n'étaient plus les bienvenus en refusant catégoriquement que les avions français continuent à apporter leur soutien à la mission de l'ONU au Mali (Minusma).

Les Français ont ces derniers mois annoncé avoir tué nombre de cadres de l'EIGS dans la zone frontalière, au premier rang desquels son chef Al-Sahraoui.

Dans différents documents récents, les Nations unies s'inquiètent cependant de la situation dans la région après le retrait de Barkhane du Mali, amorcé en février. L'émissaire de l'ONU au Mali, El-Ghassim Wane, a fait état d'une "détérioration" depuis le début de l'année, lundi au Conseil de sécurité où s'ouvrait le débat sur le renouvellement de mandat des Casques bleus au Mali.

Wagner au Mali

La dégradation des relations entre la France et le Mali est devenue irrévocable ces derniers mois, avec le recours par la junte de ce qu'elle présente comme des instructeurs russes, des mercenaires de la société russe Wagner aux agissements controversés en Afrique et ailleurs, selon la France et ses alliés. La junte assure inverser la tendance contre les jihadistes depuis lors.

Mali Russie Une manifestation pro-junte et pro-Russie à Bamako, en mai 2022 (AFP)

Les maigres informations remontant de l'immense zone frontalière, reculée et difficilement accessible, font pourtant état de centaines de civils tués et de milliers de déplacés ces derniers mois dans les régions de Ménaka et Gao plus à l'ouest.

Plusieurs massacres y ont été imputés à l'EIGS au cours de l'année écoulée sans que l'organisation ne les revendique toujours.

La dernière attaque d'envergure - non revendiquée - est survenue dimanche soir à Seytenga, au Burkina Faso, faisant 79 morts, selon un bilan officiel encore provisoire.

"Notre frontière avec le Mali est aujourd'hui sous la coupe de l'Etat islamique au Grand Sahara", déclarait mi-mai le président du Niger Mohamed Bazoum.

Avec AFP
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