A l’instar de chaque dossier relevant de l’État failli, la saga des frontières maritimes mérite un petit survol historique, de quoi montrer un panorama des plus édifiants.
On ne sait plus si l’affaire des frontières maritimes est éminemment politique, économique, ou juste genre Chebaa-sur-mer pour faire mousser la tension. Ceci dit, un survol rapide des conflits frontaliers dans le monde montre que le volet économique est prépondérant.
À titre d’information à l’intention de ces adeptes des surenchères populistes, on dénombre 195 différends frontaliers en cours dans le monde. À part les territoires palestiniens, aucun n’a connu un tel déferlement de bévues et de pétarades insensées.
Car au Liban, c’est la surenchère qui prévaut et qui fait dire, par exemple, au Hezbollahi Mohammad Raad : si Israël n’accepte pas nos conditions, que les ressources restent enfouies au fond de la mer, et tant pis pour l’exploitation gazière, nos missiles sont fin prêts. Une sorte de remake de l’affaire de Chebaa, essorée jusqu’à la moelle pour lancer une douzaine de guerres et de crises politiques qui nous ont fait perdre des milliards de dollars.
Mais voyons d’un peu plus prêt la chronique des événements, une belle brochette de bévues qui ont causé des pertes financières incalculables.
Le traité initial
En 2007, le Liban et Chypre signent, au niveau ministériel, un accord de délimitation des frontières maritimes. Le point 1 est déterminé comme l’extrémité sud séparant les zones des trois pays limitrophes : Liban, Chypre et Israël. Avec la possibilité pour le troisième pays, Israël, qui n’a pas pris part à l’accord, de contester sa validité, comme le prévoient les normes internationales.
En 2009, l’accord est ratifié par Chypre, mais pas par le Liban. On a suspecté à l’époque une pression turque qui voulait que l’État chypriote turc, reconnu uniquement par Ankara, soit impliqué dans tout accord.
Première rétraction
En avril 2009, ‘’désolés, nous nous sommes trompés’’. Sur base d’un rapport de l’armée libanaise, la frontière maritime est étendue vers le sud, jusqu’au point 23, avec 840 km2 supplémentaires.
En juillet 2010, le Liban dépose les nouvelles coordonnées à l’ONU, mais sans renégociation avec la partie chypriote, qui est restée donc liée par l’accord de 2007.
En décembre 2010, Chypre et Israël concluent un accord de délimitation des frontières maritimes, sur base du point de séparation 1.
En mars 2012, les autorités chypriotes déclarent qu’elles sont disposées à renégocier l’accord avec le Liban, mais en incluant cette fois Israël dans les pourparlers, puisqu’il est partie prenante dans l’affaire et semble disposé à négocier. ‘’Non, on ne négocie pas avec l’ennemi,’’ rétorquent nos responsables.
De 2012 à 2014, l’émissaire américain Frederik Hof tente une médiation, sans résultat.
En 2013, un appel d’offres pour l’exploration et l’exploitation de quatre blocs dans notre zone économique exclusive est lancé. Puis, sans raison apparente, il est annulé et ne sera ressuscité qu’en 2018. On a dit à l’époque que le ministre plénipotentiaire Gebran Bassil voulait inscrire cette réalisation au crédit du prochain mandat, assuré pour Michel Aoun. En 2018 donc, un consortium mené par le français Total obtient une concession pour l’exploration dans le bloc 4 au centre-nord et le bloc 9 au sud. Mais l’activité du consortium est freinée par la crise financière et politique interne, l’explosion du port, et les tensions avec Israël.
Entre-temps, Israël et Chypre ont lancé leurs activités d’exploration qui se sont révélées bien fructueuses.
Deuxième rétractation
En 2019, rebelote. ‘’Désolés, on s’est encore trompés, la frontière sud se termine au point 29,’’ revendiquant ainsi quelque 1400 km2 supplémentaires. Une extension sur base d’une étude du UKHO (United Kingdom Hydrographic Office)… qui date de 2011. Ceci dit, nous n’allons pas officialiser ce nouveau tracé.
Cependant, on va accepter cette fois de mener des négociations indirectes avec les Israéliens, par Américains interposés. Israël croit que ces négociations vont se focaliser sur la zone entre le point 1 et le point 23. Erreur, le Liban affirme que, même non-officialisée, nous allons broder autour de la ligne 29, juste pour animer la négociation. Israël refuse cette animation.
Puis, enfin, en juin 2022, on veut bien de la ligne 23, mais avec quelques centaines de kilomètres supplémentaires. ‘’C’est non-négociable’’: ce serait la base des négociations souhaitées.
Ainsi va le train-train de la gouvernance libanaise. Personne n’a pensé, par exemple, recourir à un arbitrage international, genre Cour de La Haye, histoire de pouvoir profiter enfin de cette manne gazière – encore hypothétique. Hypothétique car on ne sait toujours pas si des réserves commercialement exploitables vont être découvertes.
Surtout que le dernier appel d’offres, sur l’ensemble de notre zone économique, n’a suscité aucune offre et aucun intérêt malgré trois reports du délai de soumission et malgré la demande accrue de gaz dans le monde. Personne n’a envie de s’enliser dans les sables mouvants libanais. Du côté étatique libanais, c’est comme si on voulait enfoncer encore plus ces potentielles richesses, peut-être enfouies quelque part dans nos eaux.
On ne sait plus si l’affaire des frontières maritimes est éminemment politique, économique, ou juste genre Chebaa-sur-mer pour faire mousser la tension. Ceci dit, un survol rapide des conflits frontaliers dans le monde montre que le volet économique est prépondérant.
À titre d’information à l’intention de ces adeptes des surenchères populistes, on dénombre 195 différends frontaliers en cours dans le monde. À part les territoires palestiniens, aucun n’a connu un tel déferlement de bévues et de pétarades insensées.
Car au Liban, c’est la surenchère qui prévaut et qui fait dire, par exemple, au Hezbollahi Mohammad Raad : si Israël n’accepte pas nos conditions, que les ressources restent enfouies au fond de la mer, et tant pis pour l’exploitation gazière, nos missiles sont fin prêts. Une sorte de remake de l’affaire de Chebaa, essorée jusqu’à la moelle pour lancer une douzaine de guerres et de crises politiques qui nous ont fait perdre des milliards de dollars.
Mais voyons d’un peu plus prêt la chronique des événements, une belle brochette de bévues qui ont causé des pertes financières incalculables.
Le traité initial
En 2007, le Liban et Chypre signent, au niveau ministériel, un accord de délimitation des frontières maritimes. Le point 1 est déterminé comme l’extrémité sud séparant les zones des trois pays limitrophes : Liban, Chypre et Israël. Avec la possibilité pour le troisième pays, Israël, qui n’a pas pris part à l’accord, de contester sa validité, comme le prévoient les normes internationales.
En 2009, l’accord est ratifié par Chypre, mais pas par le Liban. On a suspecté à l’époque une pression turque qui voulait que l’État chypriote turc, reconnu uniquement par Ankara, soit impliqué dans tout accord.
Première rétraction
En avril 2009, ‘’désolés, nous nous sommes trompés’’. Sur base d’un rapport de l’armée libanaise, la frontière maritime est étendue vers le sud, jusqu’au point 23, avec 840 km2 supplémentaires.
En juillet 2010, le Liban dépose les nouvelles coordonnées à l’ONU, mais sans renégociation avec la partie chypriote, qui est restée donc liée par l’accord de 2007.
En décembre 2010, Chypre et Israël concluent un accord de délimitation des frontières maritimes, sur base du point de séparation 1.
En mars 2012, les autorités chypriotes déclarent qu’elles sont disposées à renégocier l’accord avec le Liban, mais en incluant cette fois Israël dans les pourparlers, puisqu’il est partie prenante dans l’affaire et semble disposé à négocier. ‘’Non, on ne négocie pas avec l’ennemi,’’ rétorquent nos responsables.
De 2012 à 2014, l’émissaire américain Frederik Hof tente une médiation, sans résultat.
En 2013, un appel d’offres pour l’exploration et l’exploitation de quatre blocs dans notre zone économique exclusive est lancé. Puis, sans raison apparente, il est annulé et ne sera ressuscité qu’en 2018. On a dit à l’époque que le ministre plénipotentiaire Gebran Bassil voulait inscrire cette réalisation au crédit du prochain mandat, assuré pour Michel Aoun. En 2018 donc, un consortium mené par le français Total obtient une concession pour l’exploration dans le bloc 4 au centre-nord et le bloc 9 au sud. Mais l’activité du consortium est freinée par la crise financière et politique interne, l’explosion du port, et les tensions avec Israël.
Entre-temps, Israël et Chypre ont lancé leurs activités d’exploration qui se sont révélées bien fructueuses.
Deuxième rétractation
En 2019, rebelote. ‘’Désolés, on s’est encore trompés, la frontière sud se termine au point 29,’’ revendiquant ainsi quelque 1400 km2 supplémentaires. Une extension sur base d’une étude du UKHO (United Kingdom Hydrographic Office)… qui date de 2011. Ceci dit, nous n’allons pas officialiser ce nouveau tracé.
Cependant, on va accepter cette fois de mener des négociations indirectes avec les Israéliens, par Américains interposés. Israël croit que ces négociations vont se focaliser sur la zone entre le point 1 et le point 23. Erreur, le Liban affirme que, même non-officialisée, nous allons broder autour de la ligne 29, juste pour animer la négociation. Israël refuse cette animation.
Puis, enfin, en juin 2022, on veut bien de la ligne 23, mais avec quelques centaines de kilomètres supplémentaires. ‘’C’est non-négociable’’: ce serait la base des négociations souhaitées.
Ainsi va le train-train de la gouvernance libanaise. Personne n’a pensé, par exemple, recourir à un arbitrage international, genre Cour de La Haye, histoire de pouvoir profiter enfin de cette manne gazière – encore hypothétique. Hypothétique car on ne sait toujours pas si des réserves commercialement exploitables vont être découvertes.
Surtout que le dernier appel d’offres, sur l’ensemble de notre zone économique, n’a suscité aucune offre et aucun intérêt malgré trois reports du délai de soumission et malgré la demande accrue de gaz dans le monde. Personne n’a envie de s’enliser dans les sables mouvants libanais. Du côté étatique libanais, c’est comme si on voulait enfoncer encore plus ces potentielles richesses, peut-être enfouies quelque part dans nos eaux.
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