Sans gaz russe, l'Allemagne retourne à la case charbon
©L'excavateur le plus grand du monde se trouve en Allemagne, en Rhénanie, où une énorme mine à ciel ouvert exploite les gisements de lignite, une variété du charbon très polluante. Le mastodonte, construit par Krupp, s'appelle Bagger 288. (Licence Commons)

Depuis le début de la guerre en Ukraine, fin février, Berlin cherche tous azimuts de nouvelles sources d'approvisionnement, via le gaz liquéfié américain ou qatari notamment. À cinq mois du début de l'hiver, c'est désormais le branle-bas de combat : l'Allemagne a pris dimanche des mesures d'urgence pour sécuriser son approvisionnement en énergie face aux baisses récentes de livraison de gaz par le groupe russe Gazprom, impliquant notamment un recours accru à la plus polluante des énergies, le charbon.





Un employé d'Uniper Energy Storage inspecte les installations hors sol d'une installation de stockage de gaz naturel au sud de l'Allemagne. (AFP)
Retour au charbon

"Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l'électricité. À la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées", a déclaré le ministère de l'Économie dans un communiqué. Le recours temporaire au charbon est un revirement pour le gouvernement d'Olaf Scholz, faisant la part belle aux Verts et à la lutte contre le changement climatique, et qui a promis de sortir du charbon d'ici à 2030.

"C'est amer, mais c'est indispensable pour réduire la consommation de gaz", a réagi le ministre écologiste de l'Économie et du Climat Robert Habeck, cité dans le communiqué. Une loi en ce sens devrait être adoptée d'ici au début de l'été, a-t-il ajouté. Le ministre a toutefois assuré que ce plus fort recours au charbon était "provisoire", face à "l'aggravation" de la situation sur le marché gazier.

"Épreuve de force"

Le géant russe Gazprom a annoncé cette semaine plusieurs baisses de livraison de gaz via la gazoduc Nord Stream, sur fond de bras de fer entre pays occidentaux et Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine. Arguant d'un problème technique, le groupe a réduit de 40%, puis de 33% ses envois.

Cette décision a eu un lourd impact sur plusieurs pays européens, en particulier l’Allemagne, l’Italie et la France, qui ne reçoit désormais plus de gaz russe. Pour Berlin, qui continue d'importer 35% de son gaz depuis la Russie, contre 55% avant la guerre, la situation est "sérieuse", selon M. Habeck. "Il ne faut pas se faire d’illusion, nous sommes dans une épreuve de force avec Poutine", a-t-il commenté.


Face à l'urgence, le gouvernement veut aussi mettre l’accent sur les économies d’énergie, notamment de la part des industriels. "Chaque kilowatt compte", a insisté le ministre. Une vaste campagne de communication en ce sens à destination du grand public et des entreprises a été lancée mi-juin, pour inciter l'ensemble de la société à adopter certaines pratiques.

Avec les mesures d'urgence présentées dimanche, Berlin monte à un niveau supérieur: un système d'"enchères" sera instauré pour la vente de gaz aux industriels. Il devrait permettre, dès cet été, aux entreprises réalisant des économies de gaz d'être rémunérées par un marché, selon Berlin. "Il faut tout faire pour baisser notre consommation. Et l'industrie est un facteur essentiel", a souligné M. Habeck.

Approvisionnement "garanti"

Enfin, l'Allemagne met l'accent sur le remplissage des réservoirs. Pour le moment, "la sécurité de l'approvisionnement est garantie", a assuré le ministre. Les réserves se situent actuellement à 56%, un niveau "supérieur à la moyenne des dernières années". Mais "nous devons faire tout notre possible pour stocker le plus de gaz possible en été et en automne. Les stockages de gaz doivent être pleins pour l'hiver. C'est la priorité absolue", a relevé M. Habeck.

De nouveaux crédits de la banque publique KfW seront donc réservés pour financer l'achat de gaz par l'acteur responsable des achats de gaz pour l'Allemagne, Trading Hub Europe, a annoncé le gouvernement dimanche. Déjà, fin avril, le gouvernement avait instauré une loi imposant aux propriétaires de cuves un remplissage minimum, pouvant atteindre 90% début décembre, sous peine d'expropriation.

Avec AFP

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