L’origine de la circoncision se perd dans la nuit des temps: personne ne sait ni où ni quand ni comment cette curieuse intervention chirurgicale a pu surgir.
Castration symbolique ou acte prénuptial? Substitut de sacrifice humain ou rituel de fertilité? Rite de passage ou stigmate d’appartenance? Ou tout cela à la fois? On reste frappé par l’ancienneté, l’universalité et l’incroyable diversité de formes de la circoncision, dont les origines et les mythes justificateurs se retrouvent chez les peuples sans écriture comme dans deux des grandes religions monothéistes.
Sans aucun doute plus vieille énigme de l’histoire de la chirurgie, la circoncision n’en est pas moins devenue – surtout dans le monde anglo-saxon – une intervention banalisée, vidée de toute signification symbolique, mais chargée, au gré des modes médicales, de vertus hygiéniques et prophylactiques. Comment s’est opérée cette sécularisation?
Retour sur un geste sanglant à l’origine immémoriale, qui concerne plus d’un milliard de garçons à travers le monde.
Pourquoi la circoncision? Roland Tomb répond...
«Il y a une dizaine d’années, j’avais soutenu une thèse de philosophie en France sur les enjeux éthiques et philosophiques de la circoncision. Un grand éditeur français a été intéressé par le sujet, mais, en changeant de point de vue, en adoptant celui de l’historien et pas du philosophe. C’est donc un ouvrage d’histoire que je vous propose.
Pourquoi la circoncision? En Europe, très récemment, il y a eu beaucoup de controverse juridique, parce que beaucoup de pays, surtout ceux d’Europe du Nord, ont envisagé un moment d’interdire la circoncision, pour des raisons ayant trait aux droits de l’homme et surtout aux droits de l’enfant... Cela a suscité beaucoup de controverses, beaucoup de polémiques, notamment auprès des populations juives et musulmanes et cela est très compréhensible.
Au Liban, notre situation est très particulière, parce qu’il y a 50 ans encore, les chrétiens ne circoncisaient pas leurs garçons et les musulmans les circoncisaient en ayant recours à un circonciseur rituel. Mais dans les années 1970 et 1980, la situation a changé: tant les chrétiens que les musulmans se sont mis à circoncire leurs garçons à l’hôpital immédiatement après la naissance. C’était sous l’influence de la médecine américaine qui encourageait la circoncision des garçons, indépendamment de toute référence religieuse. Depuis lors, la mode médicale a changé aux États-Unis, et la circoncision de routine n’est plus encouragée.
Il existe, au total, plusieurs types de circoncision:
- la circoncision religieuse chez les juifs et chez les musulmans,
- la circoncision rituelle chez les peuples indigènes d’Afrique et d’Australie,
- la circoncision de routine, aux États-Unis et dans les pays sous influence américaine.
De quand date cette opération chirurgicale? Nul ne le sait vraiment. Elle existait sans doute dans l’Égypte pharaonique, mais elle était probablement réservée à la seule caste des prêtres. Les populations au Proche-Orient pratiquaient la circoncision, très probablement comme rite prénuptial, avant le mariage, pour marquer l’entrée du garçon dans la vie adulte. Les Phéniciens pratiquaient probablement la circoncision, mais l’ont abandonnée sous l’influence grecque. Les juifs ont transformé cette procédure en rite strictement néonatal, c’est-à-dire au huitième jour après la naissance. Les Romains et les Grecs avaient ce geste en détestation: ils le considéraient comme une mutilation. Chez les premiers chrétiens, une controverse est née: faut-il maintenir ou non la circoncision juive? Saint-Paul lui a préféré «la circoncision du cœur». C’est alors que le baptême est devenu le rite d’entrée dans la nouvelle religion.
Si les Grecs et les Romains avaient du mépris pour les populations circoncises, les Arabes, eux, avaient du mépris pour les populations non circoncises. Certaines civilisations, notamment celles de Chine, du Japon, et de l’Inde ne l’ont jamais pratiquée.
Toujours est-il que cette plus ancienne énigme de la chirurgie a traversé les siècles et les millénaires. Elle concerne aujourd’hui plus d’un milliard de garçons à travers le monde.»
Roland Tomb, Collection: Que sais-je, Discipline; Histoire et Art, 128 pages.
La signature de l'ouvrage aura lieu le mercredi 29 juin, dans les jardins du Campus des sciences médicales de l'USJ - Rue de Damas.
Castration symbolique ou acte prénuptial? Substitut de sacrifice humain ou rituel de fertilité? Rite de passage ou stigmate d’appartenance? Ou tout cela à la fois? On reste frappé par l’ancienneté, l’universalité et l’incroyable diversité de formes de la circoncision, dont les origines et les mythes justificateurs se retrouvent chez les peuples sans écriture comme dans deux des grandes religions monothéistes.
Sans aucun doute plus vieille énigme de l’histoire de la chirurgie, la circoncision n’en est pas moins devenue – surtout dans le monde anglo-saxon – une intervention banalisée, vidée de toute signification symbolique, mais chargée, au gré des modes médicales, de vertus hygiéniques et prophylactiques. Comment s’est opérée cette sécularisation?
Retour sur un geste sanglant à l’origine immémoriale, qui concerne plus d’un milliard de garçons à travers le monde.
Pourquoi la circoncision? Roland Tomb répond...
«Il y a une dizaine d’années, j’avais soutenu une thèse de philosophie en France sur les enjeux éthiques et philosophiques de la circoncision. Un grand éditeur français a été intéressé par le sujet, mais, en changeant de point de vue, en adoptant celui de l’historien et pas du philosophe. C’est donc un ouvrage d’histoire que je vous propose.
Pourquoi la circoncision? En Europe, très récemment, il y a eu beaucoup de controverse juridique, parce que beaucoup de pays, surtout ceux d’Europe du Nord, ont envisagé un moment d’interdire la circoncision, pour des raisons ayant trait aux droits de l’homme et surtout aux droits de l’enfant... Cela a suscité beaucoup de controverses, beaucoup de polémiques, notamment auprès des populations juives et musulmanes et cela est très compréhensible.
Au Liban, notre situation est très particulière, parce qu’il y a 50 ans encore, les chrétiens ne circoncisaient pas leurs garçons et les musulmans les circoncisaient en ayant recours à un circonciseur rituel. Mais dans les années 1970 et 1980, la situation a changé: tant les chrétiens que les musulmans se sont mis à circoncire leurs garçons à l’hôpital immédiatement après la naissance. C’était sous l’influence de la médecine américaine qui encourageait la circoncision des garçons, indépendamment de toute référence religieuse. Depuis lors, la mode médicale a changé aux États-Unis, et la circoncision de routine n’est plus encouragée.
Il existe, au total, plusieurs types de circoncision:
- la circoncision religieuse chez les juifs et chez les musulmans,
- la circoncision rituelle chez les peuples indigènes d’Afrique et d’Australie,
- la circoncision de routine, aux États-Unis et dans les pays sous influence américaine.
De quand date cette opération chirurgicale? Nul ne le sait vraiment. Elle existait sans doute dans l’Égypte pharaonique, mais elle était probablement réservée à la seule caste des prêtres. Les populations au Proche-Orient pratiquaient la circoncision, très probablement comme rite prénuptial, avant le mariage, pour marquer l’entrée du garçon dans la vie adulte. Les Phéniciens pratiquaient probablement la circoncision, mais l’ont abandonnée sous l’influence grecque. Les juifs ont transformé cette procédure en rite strictement néonatal, c’est-à-dire au huitième jour après la naissance. Les Romains et les Grecs avaient ce geste en détestation: ils le considéraient comme une mutilation. Chez les premiers chrétiens, une controverse est née: faut-il maintenir ou non la circoncision juive? Saint-Paul lui a préféré «la circoncision du cœur». C’est alors que le baptême est devenu le rite d’entrée dans la nouvelle religion.
Si les Grecs et les Romains avaient du mépris pour les populations circoncises, les Arabes, eux, avaient du mépris pour les populations non circoncises. Certaines civilisations, notamment celles de Chine, du Japon, et de l’Inde ne l’ont jamais pratiquée.
Toujours est-il que cette plus ancienne énigme de la chirurgie a traversé les siècles et les millénaires. Elle concerne aujourd’hui plus d’un milliard de garçons à travers le monde.»
Roland Tomb, Collection: Que sais-je, Discipline; Histoire et Art, 128 pages.
La signature de l'ouvrage aura lieu le mercredi 29 juin, dans les jardins du Campus des sciences médicales de l'USJ - Rue de Damas.
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