Assad et le Hezbollah engrangent les milliards du Captagon
Farès Souhaid a récemment tweeté : «Selon le journal allemand Der Spiegel, Bachar el-Assad aurait perçu, en 2021, 7 milliards de dollars grâce au Captagon, au nez et à la barbe du monde entier».  Mais, qu'en est-il vraiment de ce trafic en Syrie?

Un rapport établi par la Turquie, dont la diffusion a été limitée, met en exergue les raisons pour lesquelles le régime syrien «tient toujours debout», financièrement du moins. Parmi les faits les plus saillants de ce rapport fleuve, notons ce qui suit : «Oublions les dictateurs arabes qui brillent de mille feux en arborant des uniformes militaires bardés de médailles ou des tuniques tribales chatoyantes. Le président syrien Bachar el-Assad, est l'incarnation même de l'humilité. Il ne porte généralement aucun accessoire, même pas une alliance ou une montre de marque. Son accoutrement préféré est un costume noir uni et une cravate. Ses mots sont un baume au cœur. Mais dans une région gouvernée par des voleurs, seules quelques personnes peuvent se vanter d’avoir complètement pillé leur propre pays.»

La vie de son peuple aurait pu s'améliorer au lendemain de la défaite de l'État islamique en 2019, et la reprise par le régime de la majorité des régions tenues auparavant par les rebelles. Or il n’en a rien été et la situation n’a fait qu’empirer. L'électricité est presque inexistante. La population dans les zones sous contrôle du régime a diminué de moitié depuis le début de l'insurrection en 2011, sachant que 90 % de la population syrienne vit dans la pauvreté, et la majorité survit grâce à des aides, ainsi qu’à des transferts provenant de l’étranger. La monnaie locale s’est fortement dépréciée, jusqu’à perdre 90 % de sa valeur. Les responsables, pour leur part, blâment les sanctions occidentales, la COVID-19, l'effondrement des banques au Liban et, plus récemment, la guerre en Ukraine, qui est un exportateur important de blé. Mais la raison principale de l’appauvrissement de la Syrie est due à la désagrégation de ce pays par son propre président Bachar el-Assad, qui «gouverne comme un baron de la mafia», selon les dires de l’un de ses proches qui a fait défection dernièrement.

Dans une volonté d’emboiter le pas au prince héritier saoudien Mohammad ben Salman, Assad décidait, quelques années auparavant, de se défaire de l'establishment dirigeant. Pour ce faire, il a convoqué des hommes d'affaires influents à l'hôtel Sheraton de Damas. Certains de ceux qui ont refusé de restituer leurs biens ou actions ont été détenus pour un interrogatoire supplémentaire dans l’illustre branche 251, l'un des centres de détention de son appareil sécuritaire à Damas, connu pour la torture pratiquée dans ses murs. Rami Makhlouf, le cousin germain d'Assad, et le plus grand intermédiaire du régime, a été assigné à résidence. Bon nombre de fortunes syriennes - banquiers, commerçants et viticulteurs - ont fui le pays, et des centaines d'entreprises ont été saisies ou fermées.

Selon un rapport publié par Harmon, un centre de recherches basé à Istanbul, les hommes d'affaires déchus ont été remplacés par d'autres chefs d'entreprise encore plus pitoyables, connus pour être des chefs de guerre qui blanchissent l’argent de la contrebande. Au lieu d'investir dans des sociétés industrielles dont le régime risquerait de s'en emparer, ces derniers ont préféré investir dans des restaurants prestigieux à Damas, où Lamborghini et Tesla défilent. La corruption règne dans ce pays, et des sources affirment que des milliers de personnes seraient passées par la branche 251, n’ayant pas soudoyé les personnes concernées pour bénéficier d’une protection.

En outre, M. Assad fait également fortune grâce au gaz, à l'essence et à l'électricité. Alors que les Syriens lambda sont souvent dans le noir, faute d’électricité, et n’ont pas les moyens de se déplacer, le président syrien approvisionne les courtiers du régime - qui paient en dollars-, à partir du Liban. Le Hezbollah, quant à lui, reçoit du carburant en guise de récompense pour ses combats aux côtés du régime syrien. Une autre arnaque présidentielle consiste à vendre des passeports aux nombreux Syriens désespérés de quitter le pays. Les agents facturent 1000 dollars pour un service express, ou pour retirer des noms des listes noires qui se trouvent aux points de contrôle.

Cependant, la drogue reste la manne la plus lucrative pour le président syrien. Selon le New Lines Institute for Strategy and Policy, sis à Washington DC, quinze usines localisées dans son propre fief produisent du Captagon (amphétamine), tandis que vingt autres produisent différentes drogues près des frontières avec le Liban et la Jordanie.

Certaines de ses usines se sont tournées vers la production du «Crystal meth», une drogue également connue sous le nom de «speed». Cette production a pris une telle ampleur que les Syriens l'appellent «le syndicat». Autrefois, les bédouins avaient l'habitude de faire passer illégalement des pilules dans les panses des moutons, et dans des camions de légumes. De nos jours, les drogues illicites sont désormais exportées dans des véhicules blindés protégés par des drones et des armes lourdes.


Évidemment, Assad nie toutes les allégations au sujet de son implication dans ce trafic illégal. Mais, selon ses proches qui ont récemment retourné leur veste, le «syndicat» opère sous le commandement de l'administration financière de la présidence syrienne, supervisée par «le Pablo Escobar syrien»,  le digne pendant local du notoire baron colombien de la drogue. Cet homme mystérieux coordonne, parait-il, le transport maritime au large des côtes méditerranéennes, grâce à sa propre société de sécurité privée pour escorter les convois. Il convoque également des hommes d'affaires pour le compte de Bachar el-Assad, leur demandant de contribuer au Fonds des martyrs syriens, encore une autre source de financement du régime. On rapporte par ailleurs que des commerçants débarqueraient au palais présidentiel chargés de valises d'argent liquide.

D’aucuns affirment que le trafic de drogue permet à Bachar el-Assad d'acheter la loyauté de ses compatriotes alaouites, la minorité religieuse musulmane qui a longtemps servi d’assise populaire pour son régime. De nombreux Syriens à majorité sunnite auraient été expulsés de leurs terres, et des pans entiers de ces propriétés ont été remis aux alaouites, qui avaient initialement soutenu la répression brutale exercée par le régime. Mais, pour finir, cette opération a profité à un nombre restreint des partisans du régime, connus comme «les ingénieurs démographiques» d’Assad.

Or, de nombreux alaouites ont récemment dénoncé le rapprochement d'Assad avec des dirigeants sunnites, notamment aux Émirats arabes unis, interprétant cette décision comme une trahison. De plus, ces derniers n'ont pas apprécié sa décision de libérer des centaines de détenus sunnites durant le mois du Ramadan passé. Ils ont également manifesté leur mécontentement en raison de la diminution des subventions sur les produits alimentaires et sur le carburant. Partant, des protestations se multiplient sur les réseaux sociaux, et une loi sur la cybercriminalité, promulguée dernièrement, sanctionne par des années de prison quiconque «provoque une opinion publique négative».

Par ailleurs, Bachar el-Assad n’est plus aussi rassuré quant à sa propre sécurité, maintenant que son allié russe est occupé par la guerre en Ukraine. Le 10 juin, des missiles israéliens ont frappé l’aéroport de Damas, et des informations rapportées par la presse israélienne font état d’une potentielle attaque sur les palais résidentiels d'Assad. À vrai dire, les Syriens craignent d'être entraînés dans une guerre juste parce qu’ils sont les alliés de l'Iran.

Quoi qu’il en soit, l'appauvrissement général du peuple syrien procure des avantages pour Bachar el-Assad. De moins en moins d’étrangers sont encore disposés à se battre pour sauver un pays devenu une épave. Même avec l'effondrement de la monnaie syrienne, le cercle restreint d'Assad peut encore prospérer, grâce aux dollars dont il dispose. De plus, la majorité du peuple, déjà laminée, est désormais complètement résignée. Un haut responsable explique cette résignation en déclarant que «peu importe la gravité de la situation, les Syriens sont exsangues pour se lancer dans une nouvelle guerre».

Par ailleurs, les dernières informations relatant la mort d'un haut officier des gardes-frontières tué par un engin explosif à Lattaquié (sud de la Syrie) renforce la crédibilité de ce rapport. Selon le groupe de l’opposition «Ahrar Houran», ce lieutenant-colonel est originaire de la ville de Qardaha (gouvernorat de Lattaquié), ville natale d’Assad. Il supervisait les barrages de contrôle de l’armée, les quartiers généraux situés tout au long de la bande frontalière entre la Jordanie et la Syrie, plus précisément dans la région du bassin du Yarmouk, - qui était, avant le règlement en 2018, sous le contrôle de l’État islamique, ainsi que des points frontaliers du Golan. De plus, ce militaire entretenait des relations étroites avec des cadres du Hezbollah, comme avec les milices iraniennes présentes dans la région, et jouait également un rôle pivot auprès des trafiquants de drogue dans cette région.

 
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