«Le prince de la psychanalyse», l'ouvrage sur Masud Khan
Il vaut mieux, dit-on, avoir des remords que des regrets. Sans doute, mais des regrets, il en subsiste pourtant inévitablement. Je pense en particulier aux questions que l’on n’a pas su poser à ceux que la vie nous a fait côtoyer et qui, trop tôt disparus, ne sont plus là pour nous répondre. Regrets vains bien entendu, car c’est la vie, c’est le temps qui, peu à peu, fait émerger des questions que l’on n’avait guère en tête à l’époque. C’est pourquoi il faut s’efforcer de poser les questions quand il est encore temps, en sachant que ceux qui nous quittent emportent avec eux «un peu de nous».

En lisant le livre de Michael Larivière, c’est le regret que j’ai éprouvé de n’avoir pas su, à l’époque, interroger Victor Smirnoff sur celui que l’auteur appelle en sous-titre «Le prince de la psychanalyse». Mais que savais-je alors de Masud Khan et des rapports qu’il entretenait avec Victor Smirnoff?

Drôle de prince en vérité. Dodi Goldman, dans un article cité par Larivière et publié en 2003 dans The British Journal of Psychotherapy, qualifie ce prince d’outrageous, soit de prince scandaleux/outrageant/ révoltant/indigne/odieux/monstrueux/.
Son nom demeure pourtant, pour ceux de ma génération, comme celui qui écrivit un texte inoubliable, «La rancune de l’hystérique», et qui aura toujours mon admiration et ma reconnaissance pour bien d’autres tellement éclairants et tellement différents de cette littérature insipide et profondément ennuyeuse – à de rares exceptions près – qui fait l’essentiel de la littérature analytique dite «classique».

Masud Khan est indéfendable pourtant, car, comme l’explique si bien Michael Larivière, lui-même ne se jugeait pas tellement favorablement. Certes, le jugement qu’il portait sur la société britannique de l’époque était des plus sombres, et si sa vie fut une suite de provocations, on peut comprendre que celles-ci lui ont, dans une certaine mesure, permis de survivre au sein de cet étouffoir. Son comportement détestable avec ses deux femmes, son alcoolisme qui le fit abandonner de tous, ses provocations racistes à la fin de sa vie, tout cela nous est bien connu. Michael Larivière n’en fait pas mystère.


Après avoir été très tôt un membre de la Société Britannique de Psychanalyse, Masud Khan devait finalement en être exclu alors que, atteint depuis 15 ans d’un cancer, il agonisait.

Mais outre ces comportements scandaleux, c’est son analyse et ses liens avec Winnicott qui firent de Masud Khan une figure incontournable de la psychanalyse. Par lui on en sait davantage sur ce dernier. Qui manipula qui dans cette affaire, bien malin qui pourrait le dire aujourd’hui.

Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, ce sont les textes qu’il nous a laissés. Pour le reste, qu’il repose en paix. Et c’est sans doute ce qui ressort de la très belle écriture du livre de Michael Larivière que l’on sent touché par celui qui, toute sa vie, se battit contre ses démons.

In memoriam.
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