La naissance du gouvernement face à de multiples enjeux
Le Premier ministre désigné, Najib Mikati, a remis au président Michel Aoun la première mouture de son nouveau gouvernement, moins de vingt-quatre heures après la fin des consultations parlementaires non contraignantes. Un record! Aucun Premier ministre n’avait avant lui entrepris cette démarche express. Cet empressement est dû au fait que «les options sont limitées et le temps presse», avait affirmé M. Mikati après avoir en fait proposé à Michel Aoun un mini-remaniement de son équipe actuelle qui, rappelle-t-on, expédie les affaires courantes. Un remaniement qui touche certains portefeuilles, notamment celui du ministère de l’Énergie, retiré au camp aouniste pour être confié à un expert en la matière, sunnite de surcroît. Comme on le sait, la démarche du nouveau chef du gouvernement n'était pas du goût des milieux de Baabda, qui ont prêté à ce dernier l’intention de mettre le président de la République au pied du mur, sachant pertinemment que Michel Aoun n’accepterait pas la formule proposée par Najib Mikati. Selon des sources proches du président de la République, l’approche du Premier ministre désigné est un indicateur qu’il ne souhaite pas la formation d’un nouveau cabinet avant la fin du mandat de Michel Aoun en octobre prochain.

M. Mikati avait de son côté justifié son choix, appuyé par les forces dites de changement, par «l’importance de cette étape qui ne peut pas supporter davantage d’atermoiements». Dans son entourage, on devait expliquer le remplacement qu’il a opéré au niveau du ministère de l’Énergie par le fait qu’il voulait retirer ce dossier au Courant patriotique libre (CPL – fondé par le président Aoun) à cause de l’échec retentissant de sa gestion. On devait aussi avancer que le CPL avait refusé de participer au prochain gouvernement, et que M. Mikati désire accélérer le traitement du dossier de l'électricité en remplaçant le ministre actuel, Walid Fayad, qui s’était opposé à des offres internationales pour fournir l’électricité au Liban, en reconnaissant que le mot de la fin ne lui appartenait pas. Walid Fayad avait ainsi laissé entendre que c’est le CPL qui impose sa volonté en matière de gestion du dossier de l’électricité.

Loin des échanges d’accusations entre Baabda et le Sérail qui ont suivi la fuite de la composition du nouveau cabinet, les milieux politiques du camp du 8 mars rapportent que le président Aoun n’avalisera aucune mouture qui ne respecte pas l’équilibre confessionnel au niveau de la répartition des portefeuilles. Les cercles du Sérail se défendaient cependant en indiquant que les quelques modifications apportées par M. Mikati à la composition du gouvernement d’expédition des affaires courantes n’ont pas touché les portefeuilles des forces politiques prépondérantes.

Quoi qu’il en soit, des sources proches de Baabda rapportent que la présidence de la République – qui veut que le prochain Cabinet soit conforme à ses propres conditions – accuse M. Mikati de ne pas vouloir former un gouvernement ayant les pleins pouvoirs, alors que le Premier ministre désigné refuse de se plier aux desiderata de Gebran Bassil (chef du CPL et gendre de Michel Aoun) en termes de nominations.


Le sexennat reste attaché à un gouvernement politique capable de déloger de l’Administration tous les symboles du «Haririsme» nommés à des postes clefs. Mais, si Najib Mikati refuse les conditions du mandat actuel, Michel Aoun ne signera aucune mouture. Le Cabinet actuel continuera d'expédier les affaires courantes, et restera donc sous l’emprise aouniste. Pour sa part, Najib Mikati ne cesse d’affirmer qu’il refuse de se plier aux exigences de certains, en déclarant: «Je refuse que l’on m’impose des conditions préalables, quelle qu’en soit l’origine. Je ne céderai à aucune pression, (…) surtout que les revendications avancées sont abusives et servent des intérêts personnels». Cela ne l’empêche pas de poursuivre ses contacts pour la mise en place d’une équipe à même d’exécuter les tâches attendues du nouveau gouvernement.

Pour M. Mikati, celles-ci consistent à réussir les négociations avec le Fonds Monétaire International, à travailler sur les textes de lois requis, à mettre en œuvre les conditions du FMI pour un redressement, la première étant le vote de la loi de finances, ainsi que l'élaboration du plan de relance, la réalisation de réformes, le contrôle des capitaux, la restructuration du secteur bancaire. Les obligations du gouvernement se limitent aujourd’hui à ces dossiers. Ce dernier pourrait d’ailleurs se transformer en cellule de crise qui tiendrait des réunions continues pour sortir le pays de l’impasse.

Selon certaines sources d’informations, l'échec à former un gouvernement renforce l'idée que l’élection présidentielle n’aura pas lieu, en raison de l'absence d’un consensus local et d’un accord international, au regard de l'ambiguïté de la situation régionale.

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