Bushra el-Turk au Festival d'Aix-en-Provence
C’est une compositrice anglo-libanaise d’une foudroyante énergie que Bushra el-Turk, qui se trouve actuellement à Aix-en-Provence pour la création mondiale de son opéra Woman at point zero. Avec plus de cinquante œuvres musicales à son actif, cette artiste singulière trace son chemin et continue d’affirmer sa vision, aussi esthétique que politique, de «l’art comme moyen d’un changement de société». Rencontre.

Quelle est la genèse de votre opéra Woman at point zero?

Quand j’ai lu le livre de l’écrivaine et avocate égyptienne Nawal el-Saadawi, j’ai été absolument bouleversée par l’histoire de Ferdaous, cette femme qui attend son exécution dans le couloir de la mort. Elle était accusée d’avoir tué son agresseur alors qu’elle était en état de légitime défense. Dans le roman, basé sur une histoire vraie, Ferdaous revient sur son parcours exemplaire de femme qui, depuis son enfance a souffert de la domination masculine dans une société patriarcale. J’ai écrit l’œuvre en m’identifiant totalement à ce personnage. L’auteure elle-même a fait de la prison et s’est servie de l’écriture comme un outil libérateur.

Comment se présente l’opéra?

Comme une œuvre multimédia conduite par des femmes. La metteuse en scène Laila Soliman, la librettiste Stacy Hardy et la réalisatrice Aida Elkashef. En donnant ainsi la parole à des femmes, il s’est agi de réinventer la forme de l’opéra et son langage. L’humour n’en est pas absent et il vient comme une alternance à la noirceur du propos.

Qui en sont les interprètes?

Deux merveilleuses chanteuses. Les mezzo-sopranos Dima Orcho et Carla Nahadi, l’une dans le rôle de Ferdaous qui raconte l’histoire et l’autre dans celui de l’intervieweuse qui recueille ses dires. Une relation se tisse entre les deux femmes et elles développent une profonde complicité qui est au cœur du propos. Dima et Carla viennent d’univers musicaux différents, l’oriental et le lyrique, et ce mélange est fort réussi.


Les musiciens de l’orchestre viennent également de différents horizons? 

Oui, les influences musicales de l’opéra proviennent d’Europe, d’Asie, du Moyen-Orient. Les musiciens, de l’ensemble multiculturel Zar, placés sous la direction de la cheffe japonaise Kanako Abe, manient des instruments traditionnels du monde entier. Je suis d’ailleurs très en faveur de laisser une part d’improvisation aux instrumentistes. C’est un échange qui est très intéressant et fructueux entre le compositeur et les interprètes.

À savoir

Woman at point zero de Bushra el-Turk
Commande de LOD Muziektheater Gand en création mondiale les 10 et 11 juillet 2022 au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence.

Par Zeina Saleh Kayali

Cet article a été originalement publié sur le site de l'Agenda culturel.
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