Aux origines du mandat iranien sur le Liban
La voie vers le mandat iranien sur le Liban a été longue. Ce mandat ne s'est pas abattu ex nihilo sur le pays du Cèdre, puis ultérieurement sur la Syrie; il est le résultat d’efforts constants déployés tout au long des quatre décennies écoulées. Tout a commencé avec l’arrivée, à partir de Damas, du premier groupe des Gardiens de la révolution iranienne dans la ville de Baalbeck, transfert considérablement facilité à l’époque par le président syrien Hafez el-Assad, allié de l’Iran face au «frère ennemi», le Baath au pouvoir en Irak.

Hafez el-Assad était à mille lieues de se douter, à l’époque, que l’Iran phagocyterait un jour la Syrie et que sa manœuvre contre le Liban finirait par se retourner contre son pays et son régime. Mais le jeu du dictateur syrien s’est avéré être à double tranchant, et son héritier, Bachar el-Assad, n’a pas été capable d’en maîtriser les rênes. Dès son arrivée au pouvoir pendant l’été 2000 et après avoir contribué à assurer une couverture à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, Bachar el-Assad est devenu une partie intégrante du jeu iranien qui a mené la Syrie et le Liban à la situation dans laquelle ils se retrouvent actuellement.

Au départ, Hafez el-Assad n’avait pas réalisé qu’il était tombé dans le piège iranien. Il pensait préserver son régime alaouite, croyant que la République islamique d’Iran protègerait ce régime sans aucune contrepartie, et que le lien sectaire entre les alaouites et le régime de la «wilayat el-fakih» constituait un gage suffisant pour que la Syrie, et bien avant le Liban, échappent au contrôle direct de l’Iran.

Un peu moins de quatre décennies plus tard, il est désormais que l’exfiltration des Gardiens de la révolution de Syrie au Liban révèle la profondeur du lien communautaire entre Hafez el Assad et le régime iranien instauré par l’ayatollah Khomeiny à la suite de la chute du chah d’Iran en 1979.

La situation actuelle du Liban n’est autre que la conséquence naturelle de la voie tracée délibérément par la République islamique d’Iran. Une voie qui a recueilli dès le départ le soutien de Hafez el-Assad, voyant dans le changement observé en Iran une occasion à ne pas manquer pour sauver son régime minoritaire qu’il a œuvré à mettre en place avant d’exercer un contrôle absolu sur tous les leviers du pouvoir. La pierre angulaire de ce régime a été posée le 23 février 1966. A cette époque, les officiers alaouites s’étaient soulevés contre un parti Baath fossilisé. Ce parti, qui s’était retourné par le passé contre les Syriens qui avaient libéré leur pays de la désastreuse unité avec l’Égypte le 8 mars 1963, est devenu le cheval de bataille de Hafez el-Assad et de ses acolytes. Assad père est devenu aussitôt, à partir du 16 novembre 1970, l’unique autorité bénéficiant de la couverture du Baath d’une part et du soutien des sunnites des régions rurales d’autre part.


L’entrée des Gardiens de la révolution iranienne à Baalbeck sous le prétexte de la confrontation avec Israël, qui avait envahi le Liban en juin 1982, visait en fait à déloger les combattants palestiniens du Liban. Ces derniers ont été supplantés sans tarder par les Pasdaran iraniens, puis par leur version locale, avec la milice connue sous le label du Hezbollah, qui n’est rien de plus qu’une une brigade au sein de cette organisation. Hassan Nasrallah, le secrétaire général du parti, ne s’en est d’ailleurs jamais caché.

L’arrivée des Pasdaran à Baalbeck et leur installation, sous le parrainage du régime syrien, dans une caserne de l’armée libanaise – la caserne du cheikh Abdallah en l’occurrence – marque le début de l’activité iranienne au Liban, dont le dessein ultime était de changer l’identité du Liban. Il est à noter que le premier acte hostile des Iraniens au Liban, après s’être emparés de la caserne de l’armée libanaise, fut l’enlèvement du président de l’Université américaine à Beyrouth (AUB), David Dodge, en juillet 1982. Dodge, descendant des pères fondateurs de l’établissement, avait été kidnappé sur le campus même de l’université puis transporté via la Syrie en Iran, où il avait passé un an en détention.

Dès le départ, le choix des Gardiens de la révolution de l’AUB comme cible n’était pas anodin. L’objectif était de changer la nature et l’identité du Liban, et de porter un coup à toute diversité, beauté et civilisation incarnées par le Liban, ainsi qu’à la culture de la vie – voire la culture en général. Ce processus a commencé par la communauté chiite… pour en arriver à ce dont nous sommes aujourd’hui témoins: les Pasdaran décident désormais de l’identité du président de la République.

Il n’y a pas de hasard au Liban et en Syrie. L’instinct grégaire sectaire a pris le dessus chez Hafez el-Assad en 1982 sur toute autre considération. L’homme a préservé son régime alors que la Syrie et le Liban se sont retrouvés dans le giron de l’Iran… jusqu’à nouvel ordre!

 
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