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Dans l’illustre cathédrale Notre-Dame du Liban à Paris, le festival "Musicales du Liban" a généreusement proposé, dans le cadre de sa cinquième saison musicale, à son auditoire, une immersion au cœur du riche répertoire musical occidental libanais. Ces œuvres, et bien d’autres, redécouvertes et portées par la passion de Zeina Saleh Kayali et Georges Daccache, ont transcendé les frontières, créant une harmonie suave entre Orient et Occident, et insufflant à la Ville Lumière une nouvelle aura musicale. "Ici Beyrouth" a assisté au premier concert de cette édition qui s’est tenu le 4 juin dernier.

Sous la majestueuse nef de la Cathédrale Notre-Dame du Liban à Paris, là où les piliers centenaires se hissent avec prestance vers les cieux, tels des gardiens de l’éternité, et les voûtes célestes s’érigent comme des arcs triomphants, élevant les esprits vers des hauteurs ineffables, le festival Musicales du Liban a convié, les 4 et 10 juin, le public à un périple enchanteur au cœur du répertoire musical occidental (orientaliste) libanais. Tel un phénix surgissant de l’abîme des cendres de l’oubli, ces œuvres notables, dont certaines exhalent une appréciable douceur, tandis que d’autres émerveillent par leur profondeur envoûtante, ont trouvé refuge dans la Ville Lumière, éveillant une exquise communion entre les cultures et magnifiant la somptuosité d’un univers musical hélas méconnu. Les Musicales du Liban, sous l’égide de ses cofondateurs Zeina Saleh Kayali et Georges Daccache, sont ainsi parvenues à jeter des ponts mélodiques et harmoniques entre les rives de l’Orient et les horizons de l’Occident, révélant l’âme profonde d’une musique qui a, désormais, trouvé sa place d’honneur dans l’éclatante cité parisienne.

Symphonie programmatique

Le concert inaugural, intitulé "De New-York à Beyrouth", s’est paré d’une remarquable diversité, révélant un panorama musical aux multiples facettes, où s’entremêlent des mélodies et des dialectes musicaux d’une captivante variété. Ainsi se noue une harmonieuse alliance entre la créativité américaine et le souffle vibrant de l’âme libanaise, tissant une symphonie programmatique d’une beauté hétéroclite. La violoniste Dona Nouné et le pianiste Georges Daccache se sont donné la réplique tout au long de ce récital de musique de chambre, voguant, tant bien que mal, d’une pièce à l’autre, d’une contrée à l’autre, et d’une époque à l’autre, transcendant, tels des navigateurs intrépides, les méandres du temps et les échos des ères passées. De prime abord, la splendeur du répertoire concocté pour cette soirée a été malheureusement voilée par une interprétation musicale en deçà du niveau espéré, qui ne sut saisir la fulgurance tant attendue. Ce concert aurait donc nécessité un travail beaucoup plus méticuleux pour atteindre des sommets acceptables de précision rythmique mais surtout mélodique et harmonique, notamment du côté de la violoniste.

Imprécisions criantes

Dans la première pièce de la soirée, la Sonate brève de Boghos Gélalian (1922-2011), les voix se sont égarées et les notes ont chancelé, laissant dans leur sillage un regret amer et le soupir d’un potentiel inaccompli. Oscillant avec une fragilité troublante, l’archet de la violoniste était tout sauf incisif, soulignant des imperfections voire même des imprécisions criantes dans les intonations, dès les tout premières mesures du premier mouvement, Allegro. Si le duo a tenté, dans le deuxième mouvement, Andante, de racheter son entrée erratique, le timbre criard du violon de Dona Nouné a desservi les passages les plus poétiques. Georges Daccache n’hésita toutefois pas à intervenir vivement pour sauver la face et refléter la beauté de cette œuvre, jusqu’alors privée de l’éclat qu’elle méritait. Le lyrisme poignant de l’écriture pianistique, notamment entre les treizième et vingt-et-unième mesures, convie à un moment d’exaltation presque religieux, qui sembla couler de source tant la prestation de Georges Daccache débordait de pudeur et de profondeur. Les cordes âpres de la violoniste ont ainsi côtoyé l’éloquence du phrasé du pianiste tout au long de ce deuxième mais également troisième (Allegro con spirito) mouvements.

Pénombre et jubilation

La Sonate pour violon et piano du compositeur américain, Aaron Copland (1900-1990), a suivi dans le même esprit, avec un premier mouvement, Andante semplice, qui manquait définitivement de limpidité. La mélodie jouée au violon, censée évoquer une douceur nostalgique, semblait plutôt terne et dénuée de la profondeur souhaitée. De plus, les variations de dynamique pâtissaient visiblement d’un manque de finesse, certaines notes étaient brutalement enflées, et la lecture de Dona Nouné, mais également de Georges Daccache, manquait souvent d’ampleur. On espérait que le duo libanais allait offrir à son auditoire une version de premier ordre, mais ce ne fut malencontreusement pas le cas. Dans l’ensemble, ce premier mouvement a laissé l’auditoire sur sa faim, avec une interprétation qui n’a pas réussi à captiver ni à évoquer les émotions profondes que cette œuvre aurait pu offrir.

Le deuxième mouvement, Lento, explore des harmonies dissonantes et des variations rythmiques complexes, créant, de ce fait, une tension dramatique. Les accords pianistiques, délectablement sinistres, ont soutenu la mélodie, chantée par le violon, de manière subtile et marquante. Encore une fois, l’interprétation de la violoniste fut nerveuse mais surtout crispée, et le discours musical se trouvait continuellement déparé par la sonorité crue. Le troisième et dernier mouvement, Allegretto giusto, est caractérisé par un rythme syncopé et des motifs mélodiques agiles qui donnent une impression de danse dynamique. Les lignes mélodiques s’entrelacèrent et se répondirent avec une énergie joyeuse, créant une atmosphère jubilatoire. Les accords de Georges Daccache ont réussi à soutenir, avec vigueur, les cascades mélodiques du violon de Dona Nouné, ajoutant une richesse harmonique au duo.

Pureté déchirante

Le concert se poursuivit avec le Nocturne pour violon et piano op.1 de Sevag Derghougassian (né en 1977). La charge émotionnelle que le duo libanais investit dans son dialogue provoqua des instants de ravissement, laissant effuser des mélopées d’une pureté déchirante. Malgré un timbre perfectible, la violoniste parvint à exprimer finalement ses dons mélodiques avec un vibrato très expressif, plongeant l’auditoire dans une ivresse sonore. Georges Daccache imposa une présence prégnante en déployant une sonorité aussi profonde que colorée, portée par des accords orchestraux frémissants. Les deux musiciens s’attaquèrent ensuite à Seduccion pour violon et piano op. 96 du compositeur américain, Miguel del Águila (né en 1957). Le pianiste chevronné convia le public dans un flot musical ininterrompu sans y mettre toutefois le soin et le fini pianistique qu’on lui connaît. On retiendra, cependant, sa virtuosité puritaine tout au long de cette pièce épique et mouvementée. La violoniste fut presque absente, peinant à s’imposer face à la rutilance pianistique.

Moments de déroutes

Le dernier mot (musical) fut donné au compositeur libanais, Iyad Kanaan (né en 1971), avec son Duo pour violon et piano en la mineur. Les nuances subtiles, imposées par Kanaan, allant des pianissimi les plus arachnéens aux fortissimi les plus détonants, sculptèrent chaque phrasé avec une précision magistrale, faisant de sa pièce le couronnement de ce périple nuancé. Un tiraillement gagna en violence tout au long du premier mouvement, Patetico, de cette œuvre presque beethovénienne pour finalement se résoudre dans un deuxième mouvement, Adagio misterioso, par une élévation vers la cime de l’expression. Le troisième mouvement, Allegretto molto, incarne la puissance d’une tempête sacrément déchaînée qui n’admet rien d’autre qu’une implication absolue de la part des interprètes, ce qui ne fut malheureusement pas le cas. On assista alors à des moments de déroutes, notamment de la part de la violoniste qui échoua à plusieurs reprises à distiller une série d’arpèges et d’accords. La musique d’Iyad Kanaan s’avère éminemment exigeante pour quiconque s’y frotte. Le public n’eut malheureusement pas la chance de s’en délecter cette fois-ci. Face à cette déception, le duo interpréta Salve Regina de l’éminent Naji Hakim (né en 1955), en guise de bis, qui n’échappa également pas à une certaine platitude.

Malgré ces hauts et bas, on ne peut finalement que saluer les efforts déployés par les Musicales du Liban et ses cofondateurs qui s’attachent à valoriser l’œuvre des compositeurs libanais de musique occidentale harmonique tonale. L’édition de novembre saura-t-elle en relever le défi? Qui vivra verra..

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