Étoile filante dans le firmament des grandes traditions organistiques, le Liban brille de tout son éclat, rivalisant avec les pays européens qui ont vu éclore ces virtuoses des touches célestes. Si la France a enfanté les illustres Olivier Messiaen (1908-1992) et Jean Langlais (1907-1991), l’Allemagne a révélé en Günther Werner (1898-1956) un orgue majestueux, et l’Autriche en Martin Haselböck (né en 1954) une maîtrise inspirée, alors le Liban, avec la finesse des harmonies envoûtantes de ses démiurges, célèbre en Naji Hakim (né en 1955) un ambassadeur musical d’exception. Sa virtuosité transcendante et son inspiration prodigieuse ont hissé le roi des instruments aux cimes de l’expression musicales. En effet, Naji Hakim a embrassé, au fil des décennies, l’audace créative sous toutes ses formes, explorant de nouveaux horizons sonores. Les influences contemporaines ont ainsi tissé, dans son œuvre, une trame harmonieuse et harmonique, où se mêlent les couleurs orientalistes exaltantes, finement puisées dans la musique levantine, la palette impressionniste de Claude Debussy (1862-1918), l’audace novatrice d’Igor Stravinsky (1882-1971) et de Paul Dukas (1865-1935), les accents exotiques de George Gershwin (1898-1937), et les échos sacrés du chant grégorien.

Tel un alchimiste musical, Naji Hakim est parvenu à fusionner ces éléments disparates en une symphonie d’une rare sophistication, distillant des motifs mélodiques qui frôlent (souvent) l’extase. Dans cette évolution musicale, il révèle une maîtrise grandissante de la narration mélodique, dévoilant des émotions complexes et des atmosphères évocatrices, tout en portant en son essence une louange sacrée à la gloire de Dieu. Au cœur d’une Europe musicale encline à l’atonalité, Naji Hakim s’élève fièrement dans l’art de la tonalité, laissant ses harmonies s’épanouir à contre-courant. Il transporte, de ce fait, son auditoire vers des terres vierges où l’esprit s’évade et l’âme se ressource, où les accords se superposent et les lignes contrapunctiques se répondent, avec une grâce exquise, créant des couleurs saisissantes et des textures sonores soyeusement sculptées. Son œuvre incarne donc un dialogue subtil entre tradition et innovation, entre héritage et avant-garde, qui transporte au-delà des frontières de l’ingéniosité, invitant les rares mélomanes à plonger dans les méandres de l’émotion pure et éthérée. Tels des messagers célestes, les tuyaux de l’orgue, sacré ancilla domini (c’est-à-dire servante du Seigneur), perpétueront la grandeur de l’héritage musicale du maître libanais, transmettant aux générations futures la puissance évocatrice de son génie.