Les fonctionnaires poursuivent leur grève. Ils ont dit "non" à la proposition de solution du ministre sortant du Travail, portant sur une aide sociale provisoire – à défaut d’un réajustement de salaire – qui n’avait pas été versée dans le passé.  

La Ligue des fonctionnaires de l’administration publique n’a tout simplement pas été convaincue par les propos tenus lundi par le ministre sortant du Travail, Moustapha Bayram. Ce dernier s’était contenté de "s’engager à exécuter des promesses faites précédemment par le gouvernement", portant sur l’octroi d’un demi salaire supplémentaire – lequel était supposé avoir été versé en avril et mai derniers – et le relèvement des indemnités de transport à 95.000 LL/jour. Sachant que les indemnités de transport sur base de 65.000 LL/jour n’ont pas, elles non plus, été versées aux fonctionnaires pour le second trimestre de 2022. Par ailleurs, le ministre a évoqué une révision des salaires liée à l’approbation de la loi des Finances, dont l’examen et le vote par le Parlement pourraient durer des mois, ainsi qu’un bonus d’un mois de salaire.  Ces promesses, formulées à l’issue d’une réunion présidée au Sérail par le Premier ministre désigné, Najib Mikati, étaient censées répondre aux revendications des fonctionnaires du secteur public en grève depuis près de deux semaines.

Les milieux de la Ligue ont déploré cependant un "déni des responsables face à leur misère", une "négligence et une nonchalance", voire "une arrogance à outrance". "La classe dirigeante persiste dans un attentisme béat comme si la solution pouvait tomber du ciel et que le pays était dans un état normal", s’indigne-t-on dans ces milieux. "En deux mots comme en mille, souligne un syndicaliste, les fonctionnaires se limitent à demander au gouvernement de jouer son rôle, de percevoir ses droits des contribuables, de freiner le gaspillage de ce qui reste des deniers publics et ensuite de leur rendre justice". "Les solutions sont à portée de main pour peu que la volonté des gouvernants soit de mise", dit-il.

Perte de 70 milliards de livres par jour

L’équation est claire. Le fonctionnaire est en train de payer ses factures de consommation suivant le taux de change du dollar sur le marché parallèle, alors que son émolument est calculé sur base d’un dollar à 1.500 LL, ce qui représente 7% de son salaire au 19 octobre 2019. Même si son salaire est calculé selon le taux d’un dollar équivalent à 8.000 LL, il ne recevra que 25 % de son salaire antérieur.
La grève des employés du secteur public est en passe d’achever ce qui reste d’un État. Sur le terrain, la suspension du travail au sein de l’administration centrale entraîne des pertes sèches pour le Trésor de l’ordre de 70 milliards de livres par jour, d’une part, et, d’autre part, elle ralentit la dynamique de l’activité du secteur privé, en affectant ainsi inévitablement le produit intérieur brut. Tant les entreprises que les citoyens ne sont pas en mesure de légaliser leurs transactions commerciales et sociales. Aussi faut-il souligner que la poursuite de la grève jusqu’à la fin du mois menace le paiement des salaires de l’ensemble de l’administration publique vu que les fonctionnaires du ministère des Finances sont en grève.

Un secteur public surdimensionné

La totalité des salaires du secteur public avant la crise économique représentait près de 40% du volume des dépenses du budget. Une proportion inacceptable, révélant généralement un défaut structurel qui conduit avec le temps à l’effondrement. Toutes les tentatives précédentes pour freiner le gonflement de ce secteur ont échoué, simplement parce que celui-ci s’est développé "artificiellement sur la base d’un clientélisme à outrance qui n’a jamais fait cas de l’existence de l’institution de la fonction publique".
D’ailleurs, les organisations internationales qui suivaient la situation au Liban, ont donné, à maintes reprises, des avertissements et des suggestions pour réduire la taille du secteur public pléthorique.
Cela dit, tous les pays démocratiques ont engagé, ces dernières années, une réforme du fonctionnement de leur administration en s’inspirant des méthodes du privé. Pourquoi le Liban devrait-il faire figure d’exception?