Le projet sur la levée du secret bancaire a été voté mardi au Parlement. Cette loi sera appliquée sans discernement aux fonctionnaires et aux citoyens ordinaires. Elle est un condensé de deux projets de loi. Au départ, un des projets ne concernait que les agents du secteur public, y compris les associations non gouvernementales, du fait qu’elles gèrent des fonds publics. 

La Chambre des députés dans sa majorité avait la volonté d’élargir le spectre des personnes physiques et morales soumises à la levée du secret bancaire, de diversifier les autorités autorisées à le réclamer et de renforcer les sanctions contre " les auteurs de crimes financiers ", dans le but ultime de promouvoir la transparence, la lutte contre le financement du terrorisme et l’évasion fiscale, comme l’ont souligné à cor et à cri de nombreux députés.
À la surprise générale, c’est sur une recommandation du chef du Législatif, Nabih Berry, lors du débat général, que la mention " secret professionnel " a été définitivement supprimée du texte de loi. Ainsi, aucune tierce partie ne peut se prévaloir du droit à la confidentialité exigée par sa profession pour refuser de divulguer des données en sa possession. Sachant que comme dans tout secret bancaire, il s’agit d’une relation tripartite impliquant le client, la banque et le tiers au secret.

Les crimes financiers

La définition du terme " crimes financiers " a suscité une vive polémique parmi les députés, le souci étant d’éviter un abus de recours à ce terme dont le champ d’application peut s’avérer particulièrement large. Une interprétation extensive du terme peut inclure l’auteur d’un chèque sans provision, à titre d’exemple. Au bout du compte, la Chambre a voté la définition des crimes financiers telle que prévue par l’article 1 de la loi 44/ 2015.

Autorisations pléthoriques

En ce qui concerne les entités ayant compétence à demander la levée du secret bancaire, les amendements apportés par la commission parlementaire des Finances et du Budget ont été approuvés. Ces entités sont nombreuses mais elles n’incluent pas la commission de contrôle des banques au Liban (CCBL) relevant de la Banque centrale et l’Institution de garantie des dépôts bancaires comme l’avaient préconisé avec insistance le Premier ministre Nagib Mikati et le vice-président sortant du Conseil des ministres Saadé Chami. Les deux hommes avaient étayé leur recommandation par des nécessités liées au texte du projet de loi sur la restructuration des banques sans toutefois donner d’autres détails. À part le corps judiciaire et la Banque du Liban, le comité national de lutte contre la corruption et l’administration fiscale sont compétents pour demander une levée du secret bancaire.
Cela dit, le ministre sortant de la Justice, Henry Khoury, a tenté en vain de concentrer entre les mains du procureur général de la République près la Cour de Cassation la décision de lever le secret bancaire afin d’éviter, selon lui, la multiplicité des jurisprudences.

Gel et déblocage des avoirs

Par ailleurs, dans le souci d’accompagner les normes internationales et de respecter les traités internationaux ratifiés par le Liban, le gel des avoirs bancaires pourra être imposé par la Commission spéciale d’investigation de la BDL (CSI) alors que leur déblocage ne pourra se faire que par une décision du corps judiciaire. Quant aux sanctions pénales, elles ont été révisées de manière à les rendre optimales, selon nombre de députés. Mais la mouture qui a été votée énonçant la prison ferme et le versement d’amende n’a pas reflété cette tendance. Au lieu que l’amende ne soit calculée sur base du montant objet de la fraude, elle a été liée à un montant variant entre 150 et 300 fois le smic.

Comptes numérotés

Pour ce qui est des comptes numérotés et les coffres-forts dans les banques, ils seront dorénavant soumis aux mêmes critères et garde-fous que ceux mis en œuvre pour l’ouverture d’un compte bancaire ordinaire. Un principe qui a été vivement contesté par le Premier ministre désigné, qui a évoqué une tendance mondiale à supprimer cette catégorie de comptes, donnant en exemple les Émirats arabes unis et Singapour. Il n’avait cependant pas exprimé de remarques sur le maintien des coffres-forts.
À partir de la publication dans le Journal Officiel de la loi amendée du secret bancaire, le Liban possèdera son propre droit à la confidentialité.
Entre la théorie et la pratique, il y a une grande différence et les décrets d’application de bon nombre d’articles de la loi pourraient rester lettre morte.