Il est certain qu’avec la tarification actuelle du Kwh, Électricité du Liban est incapable de fournir une seule heure de courant de plus. Cet office autonome ne peut ni assurer la maintenance de son réseau ni acheter du fuel. L’abonné paie le Kwh 135 livres libanaises, soit l’équivalent de 0.5 cents, alors que le coût de la production, au prix actuel du fuel, est de 15 cents.  Dans le monde, le prix de l’électricité oscille entre 10 et 35 cents le Kwh. Il est de 35 cents dans les pays riches et de 10 cents dans les pays producteurs de gaz et de pétrole.

"Si les abonnés ne paient pas, ils n’auront pas d’électricité. EDL a besoin d’argent pour acheter du fuel", a expliqué sans détour à Ici Beyrouth le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Walid Fayad, en assurant que “la hausse des tarifs sera concomitante avec l’augmentation de l’approvisionnement”. Le ministre ne veut pas donner davantage de détails sur ce à quoi il faut s’attendre en terme de distribution de courant. En ce qui concerne les réformes indispensables du secteur de l’Énergie, le ministre reste tout aussi évasif, assurant cependant qu’elles seront réalisées parallèlement à la hausse des tarifs. "C’est un package, ça va ensemble", commente-t-il.

Néanmoins, les Libanais redoutent, et à juste titre, une hausse des tarifs sans que le courant ne leur soit assuré, alors qu’ils paient chaque mois des sommes exorbitantes pour les générateurs. Pour que cette hausse puisse être acceptable, il faut que l’alimentation en courant permette de réduire la facture des générateurs privés. Il faut aussi qu’elle soit associée à une amélioration de la perception des factures, sachant que dans plusieurs régions du pays, des abonnés ne paient pas ou procèdent à des branchements illicites. Quelles mesures l’État compte prendre pour mettre fin au vol du courant? Une question qui, comme plusieurs autres, reste sans réponse, sinon la volonté de relever les tarifs.

Dès lors, les Libanais peuvent-ils encore faire encore confiance à EDL et croire que le ministère de l’Énergie, que contrôle depuis dix ans le courant présidentiel avec les résultats qu’on connaît, est aujourd’hui capable d’opérer un changement radical au niveau de la gestion du secteur de l’énergie? Sachant surtout que l’office autonome, qui est un gouffre financier, est l’un des principaux responsables de la dette publique massive et des difficultés financières de l’État, et des pertes de 70 millions de dollars par mois.

Il y a quelques mois, le ministre Walid Fayad a insisté dans un entretien avec Ici Beyrouth sur le fait que "tout le monde doit payer pour avoir le courant: les institutions étatiques, les réfugiés" et que "les forces de l’ordre et l’armée doivent nous aider à en finir avec les branchements illicites". A cette nuance près: une décision politique est nécessaire pour que les forces de l’ordre sévissent contre les contrevenants. En attendant, chaque ministère jette la responsabilité sur l’autre, et ainsi va le pays.

Un plan, des promesses

Depuis qu’il a pris ses fonctions, Walid Fayad n’a de cesse de claironner que son plan pour l’électricité est ce qu’il y a de mieux et que les heures d’approvisionnement vont augmenter. Quatre heures, puis dix heures. En mars, en mai. Or nous sommes en août et aucune des promesses formulées plus tôt n’a été tenue au moment où les factures de générateurs ne font qu’augmenter, engloutissant le peu de cash que les Libanais arrivent à retirer des banques.

Ainsi, dans une interview à Ici Beyrouth en décembre 2021, le ministre promettait une nette amélioration basée sur un plan réalisable. Il expliquait qu’il allait essayer de donner aux Libanais de l’électricité moins chère que celle qu’ils paient pour les générateurs. "Je suis en train de mettre les choses en place. Je ne veux pas que la mafia des moteurs perdure et que l’on nourrisse un système pourri de l’intérieur", affirmait-il. Neuf mois plus tard, ce plan se fait toujours attendre et les Libanais sont à la merci d’une mafia des générateurs.