Mais qu’est-ce qu’ils ont tous contre les riches? Dans les différentes versions du plan de redressement, et des déclarations de leurs auteurs, le point commun est comment plumer les gros déposants, soit le top 10%, 20%… selon les versions et la mouture finale. On hésite entre ponctionner une bonne partie de leurs dépôts, les transformer en actions bancaires, ou encore les bloquer pour de longues années. Et comme il faut bien enfoncer le clou, on ne rate pas une occasion pour dénoncer ce qu’on qualifie d’avidité, de cupidité, de rapacité de ces fortunés. À écouter parfois Saadé Chami ou d’autres responsables et ‘experts’, on dirait Léon Trotski haranguant les foules sur la Place Rouge.

Les catégories à dévaliser

Voyons donc de plus près qui sont ces gros déposants, pour montrer un peu l’incongruité de cet acharnement thérapeutique. Devant l’absence aberrante de statistiques, on doit se contenter de catégorisation qualitative de ces dévalisés en sursis. Il doit y en avoir quatre catégories, si l’on exclut les établissements publics ou semi-publics.

La première catégorie, ce sont les grandes entreprises (des industriels, des promoteurs, hôteliers…), qui tendent à accumuler des dépôts bancaires, provenant des revenus, en attendant de pouvoir réaliser leur prochain investissement. Un investissement qui n’aura donc pas lieu, puisque leur argent sera ponctionné ou bloqué. Même si elles en récupèrent une partie, elles ont déjà perdu l’appétit d’investir au Liban.

La deuxième catégorie, ce sont les fonds de pension des syndicats et des ordres professionnels, qui gardent au chaud des capitaux bancaires pour pouvoir servir leurs adhérents en cas de maladie ou au moment de la retraite. Un service qui leur sera interdit.

La troisième catégorie englobe probablement de grandes associations et ONG (Caritas, Croix Rouge, Al-Berr Wal-Ihsan, Amel, Arcenciel, organismes de microcrédit…), qui mettent de côté des réserves financières pour parer à des urgences humanitaires – qu’ils ne serviront pas. On ajoute dans ce même chapitre des entités à caractère social (hôpitaux, écoles, universités…), qui auront alors du mal à proposer leurs services vitaux à des tarifs modérés.

La quatrième catégorie comporte enfin des individus qui ont mis en dépôt le fruit de leur labeur, et ont été assez confiants, ou imbéciles, pour les garder au Liban. Ils travaillent en Afrique ou dans le Golfe, ou au Liban. Mais ces dépôts sont en général provisoires. S’ils gardent des centaines de milliers ou des millions de dollars en banque, c’est probablement aussi parce qu’ils attendent un moment propice pour les investir – ce qu’ils ne feront donc jamais.

Impôt sur la fortune

Voilà à qui on veut s’attaquer au lieu d’exploiter les actifs colossaux, et dormants, de l’État pour combler le déficit. Une mesure qui relancerait les investissements et produirait de la richesse. Ils préfèrent manifestement les garder à leur profit et à celui de leur clientèle.

Ceci dit, soyons clairs. Je crois que personne ne serait contre un impôt exceptionnel sur la fortune, mais à deux conditions: d’abord qu’on puisse toucher tous les fortunés équitablement, sans qu’il y ait une caste qui échappe à cette obligation, les ‘usual suspects’. Ensuite, que cette mesure ne touche pas uniquement les déposants, mais tous ceux, résidents au Liban, dont les actifs dépassent un certain seuil, en incluant tous leurs avoirs mobiliers et immobiliers, au Liban et à l’étranger.

Deux conditions qui ne seraient peut-être pas faciles à appliquer, pour des raisons d’inefficacité administrative, mais aussi et surtout de connivence politique. Sauf que, à la place, on préfère casser les tirelires des honnêtes gens.

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