Le principe d’une hausse du taux du dollar douanier a été acquis, mais le taux  et les modalités de sa mise en œuvre sont encore à l’examen, selon des sources concordantes.

Dans une lettre adressée au ministre sortant des Finances, Youssef el-Khalil, qui a fuité à la presse, le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, lui a demandé d’entreprendre les démarches, dans le respect des lois en vigueur, en particulier l’article 229 du Code de la monnaie et du crédit, afin de fixer le dollar douanier au taux qu’il a lui-même proposé lors de la réunion ministérielle tenue mardi au Sérail, soit 20.000 LL. pour un dollar. M.Mikati lui a enjoint de concerter et de coordonner son travail avec le gouverneur de la Banque du Liban (BDL).

Rien n’est encore définitif et tout est sujet à discussion, selon des sources dignes de foi qui s’étonnent de la distillation à la presse d’une lettre qui n’était pas destinée au public. Les auteurs de cette fuite visent explicitement une levée de boucliers contre M.Mikati alors que les dés sont encore loin d’être jetés, soulignent les sources précitées.

La problématique de la compétence 

Le député Ali el-Khalil a rapidement réagi, affirmant que la détermination du taux du dollar douanier relève de la compétence du Conseil des ministres réuni conformément à la loi du budget promulguée en 2018. Cette législation donne au gouvernement le droit de légiférer dans le domaine douanier pour une période de cinq ans qui prend fin en 2023. "Ce droit ne fait pas partie des prérogatives du Parlement, encore moins de celles du ministre des Finances ou de tout autre ministre", a-t-il martelé.

Interrogé par Ici Beyrouth, l’avocat fiscaliste Karim Daher, qui a tenu a priori à exprimer son rejet de la multiplicité des taux du dollar, une pratique "injuste, illégale et qui mène les citoyens vers l’abîme", a indiqué que la détermination du taux du dollar est possible par décret pris en Conseil des ministres par application stricto sensu de la loi du 10 octobre 2018 parue dans le Journal Officiel N 45. Cette loi est pourtant contraire au principe général des impôts et des taxes tel qu’il a été consacré par l’article 81 de la Constitution. Cet article accorde au Parlement le droit de légiférer en matière d’impôts et de taxes, c’est-à-dire d’adopter, de modifier ou de suspendre une taxe ou un impôt. "En référence à la coutume, le gouvernement n’a pas jusqu’à ce jour fait usage du droit que lui confère la loi du 10/10/2018 et l’a délégué à son tour au Haut Conseil de la douane", a-t-il relevé. "Toujours est-il que la démarche consistant à demander au ministre sortant des Finances et au gouverneur de la Banque centrale de fixer un nouveau taux du dollar douanier demeure ambiguë"

Amendement de la circulaire 151

La modification du taux du dollar douanier équivaudra à la création d’un nouveau taux de change du billet vert qui s’ajoutera aux multiples taux déjà existants. Une démarche, qui ne fera qu’accentuer la confusion sur le marché. "Il s’agira d’une ponction directe des dépôts bancaires au profit du Trésor si la circulaire 151 de la BDL, qui autorise la lirification des lollars (les dollars coincés dans les banques) à un taux de 8.000 LL, n’est pas amendée", fait remarquer Bassem Ajjaka, expert économique. "Le citoyen encaisse le dollar à un taux de 8.000 LL., s’acquitte de ses impôts sur base d’un dollar à 20.000 LL et dépense sur base d’un dollar à 32.000 LL", a écrit sur son compte Twitter, le député Georges Adwan.

Cela dit, il est clair que dans le cas d’un dollar douanier à 20.000 LL, il serait impératif d’imposer aux commerces d’accepter le paiement par carte, sinon la masse monétaire en circulation sera énorme et enfoncera le pays dans une hyperinflation dramatique.

Reste à souhaiter que "le taux adopté soit réaliste, réalisable et non fictif", comme l’a souligné le député Ibrahim Kanaan