Tout le monde a donc fantasmé pendant deux mois sur ces expatriés venus visiter le pays après deux ans de Covid, et déverser des dollars frais dans une économie en lambeaux.

Plus généralement, on attend avec anxiété tous les ans les chiffres des rémittences, l’argent de ces mêmes expats envoyé à leurs familles. Et l’on se satisfait que le montant tend à rester plus ou moins stable: entre 6 et 7 milliards de dollars. Un peu moins qu’auparavant, mais son poids relatif est beaucoup plus important. Alors qu’il représentait autour de 15% du PIB avant 2019, son taux est monté à 35% en 2021, après la dégringolade de notre PIB. C’est tristement un record mondial. Encore un.

Mais pourquoi tristement? Là, il faut creuser un peu la chose. Dans un rapport sorti il y a quelques années, la Banque mondiale (BM) a mis le doigt dessus. Le phénomène, disait le document, n’est pas limité au Liban, mais ici il prend des proportions inédites. La BM sonne l’alarme, comparant cette situation au ‘syndrome hollandais’ (Dutch disease).

De quoi s’agit-il? C’est la caractéristique d’un pays qui reçoit une source d’argent facile, et qui du coup en devient dépendant, négligeant les différents secteurs productifs. Le schéma est surtout typique lorsqu’un pays découvre subitement du pétrole dans son sous-sol, et ne trouve plus alors aucune raison de développer son économie réelle, puisque cet or noir le fait vivre confortablement.

Pour la BM, le phénomène est pareil pour nous, avec cet argent qui nous tombe du ciel avec chaque avion de la MEA (quand il n’est pas intercepté par les avions de chasse grecs). Mais il faut bien distinguer ici: ce n’est pas l’attractivité touristique qui est en question, un secteur économique qui fait vivre plein de pays. C’est la dépendance à la rente des expats. Comble du vice, une partie de cet argent sert à assurer une bonne éducation à des étudiants, qui une fois diplômés iront grossir les effectifs de la diaspora.

Le plus grave, c’est que tout le monde s’en félicite, y compris et surtout ces pseudo-responsables qui pavoisent comme s’ils en sont les auteurs. Qui se souvient encore de ces Lebanese Diaspora Energy, des grands-messes annuelles lancées aux quatre coins du monde à grands frais par Gebran Bassil, alors ministre des Affaires étrangères?

Eh bien, disons-le brutalement: ça n’a rien donné, ou presque. Il y a bien eu des expats, ou leurs progénitures, qui ont visité le pays après des années d’absence. Certains ont peut-être acquis un bien immobilier ou apporté une aide à leur village d’origine. Mais l’énergie s’est arrêtée là. En termes d’investissement durable, trop peu ont sauté le pas, jugeant probablement leur pays d’origine pas prêt pour y lancer un business quelconque.

Un exemple: le richissime Carlos Slim a été sollicité de partout et invité à visiter le pays. Il s’est contenté, au cours de sa visite, de financer un (beau) stade sportif dans son Jezzine d’origine.

Et là on était encore dans les années de prospérité. Actuellement, le besoin d’attirer un quelconque investissement est devenu vital. Mais tout le monde s’en fiche, les yeux toujours rivés sur les chiffres des dépenses estivales ou des rémittences. Personne ne se demande quoi faire pour convaincre ces expats d’investir au Liban?

Et dans aucun de ces pseudo-plans de redressement l’idée n’est même pas effleurée. On préfère liquider ce qui reste, répartir les dégâts, déposer le bilan, mettre la clef sous le paillasson, aller brouter l’herbe des près et, espère-t-on, recevoir des félicitations internationales pour le travail accompli.

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