
La majorité des membres de la sous-commission de la commission des Finances et du Budget, chargée d’examiner le projet de loi sur la réforme du secteur bancaire, s’accorde à reconnaître l’importance cruciale de préserver la dynamique législative réformatrice. Ils insistent sur la nécessité de rompre avec le cercle vicieux des blocages et des divisions politiques qui risqueraient de compromettre la mise en œuvre indispensable de ces réformes, tant au niveau national qu’international.
Les participants ont également souligné la nécessité pour le gouvernement de transmettre rapidement au Parlement la loi sur l’assainissement financier, laquelle prévoit, en substance, la restitution des dépôts et la répartition des responsabilités. Cette exigence s’explique par l’interdépendance juridique et opérationnelle entre la loi sur la réforme bancaire et celle sur la restructuration financière, comme le stipulent plusieurs articles – notamment l’article 36 du projet de loi sur la réforme bancaire –, ce qui permettrait de déterminer l’ampleur des pertes, parallèlement à la mise en œuvre de la réforme bancaire.
Sur le fond toutefois, les divergences profondes continuent de fragiliser les travaux de la sous-commission, en particulier entre le camp gouvernemental et le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), notamment autour de la Haute Autorité bancaire et de l’étendue de ses prérogatives. Des discussions ont révélé la volonté de certains membres proches du Premier ministre, Nawaf Salam, du ministre de l’Économie Amer Bsat, et du ministre des Finances, Yassine Jaber, de faire adopter rapidement le projet de loi au Parlement, quitte à le soumettre avant l’introduction des amendements jugés nécessaires. Leur argument: la pression de la communauté internationale, et en particulier du Fonds monétaire international, qui attend l’adoption de ce texte pour enclencher les programmes d’aide prévus pour le Liban.
Cette initiative intervient alors même que le ministre Yassine Jaber sait pertinemment que la mouture actuelle du texte ne satisfait pas aux exigences de fond, que ce soit en termes de structure, de rigueur juridique ou d’équilibre institutionnel. Le gouverneur de la BDL ainsi que plusieurs députés ont émis de nombreuses réserves juridiques substantielles à l’égard du projet. Dans toutes ses interventions, le gouverneur Souhaid se réfère systématiquement au Code de la monnaie et du crédit, qu’il considère comme une ligne rouge à ne pas franchir, faute de quoi toute tentative de réforme sérieuse du système bancaire risquerait d’être compromise.
Le projet de loi sur la réforme bancaire prévoit la création d’une Haute Autorité bancaire, chargée de trancher toute question liée à la liquidation, la fusion ou la restructuration des banques, en fonction d’une évaluation indépendante de leur situation et de leur état financier. Cependant, le gouverneur de la BDL a refusé de valider la version proposée par le gouvernement, estimant qu’elle empiète sur les prérogatives de la BDL – en particulier en ce qui concerne les pouvoirs conférés à la Haute Autorité bancaire et la manière dont ses membres seraient désignés. C’est dans ce cadre que le gouverneur Karim Souhaid a présenté une proposition d’amendement au projet gouvernemental, portant essentiellement sur la composition et les pouvoirs de cette autorité, en insistant sur la nécessité de garantir l’indépendance de la BDL et de la Haute Autorité bancaire, tant vis-à-vis de toute ingérence politique que d’éventuelles pressions d’origine bancaire.
La proposition de M. Souhaid a été fraîchement accueillie par l’entourage du Premier ministre. Elle prévoit la création d’un organe distinct de la Haute Autorité bancaire, dont les membres ne seraient désignés ni par le gouvernement, ni par l’Association des banques, afin de garantir l’impartialité de cette instance appelée à statuer sur le sort même des établissements bancaires. Cette entité aurait pour mission principale de protéger le secteur bancaire contre les risques systémiques futurs, en évaluant la solidité des établissements. M. Souhaid insiste également pour que les obligations et les prérogatives des membres de la Haute Autorité soient clairement définies.
Dans la proposition présentée par M. Souhaid, la Haute autorité bancaire, instituée par la loi n°28 du 9 mai 1967, serait désignée comme l’instance compétente pour statuer sur le sort des banques devant faire l’objet d’une restructuration ou d’une liquidation.
Toutefois, cette compétence ne s’appliquerait qu’à l’issue de la crise bancaire et financière que traverse le Liban depuis 2019, et uniquement en l’absence de toute nouvelle crise systémique ou de pénurie aiguë de liquidités. Dans ce cadre, la Haute Autorité serait appelée à intervenir pour traiter la situation d’un établissement bancaire en difficulté, conformément aux dispositions de la loi.
Outre ses prérogatives fondamentales définies par les lois en vigueur, la Haute Autorité bancaire se verrait confier les missions de restructuration figurant dans la proposition de M. Souhaid. Celle-ci prévoit également de modifier la loi actuelle afin de remplacer, au sein de la Commission de contrôle des banques, le membre nommé par l’Association des banques par le président de la Commission lui-même.
Le gouverneur de la BDL rappelle systématiquement, à chaque réunion, que le projet de loi actuellement examiné par la commission parlementaire, de même que tout texte législatif présent ou futur relatif à l’équilibre financier ou à la répartition des pertes, relève de la compétence du gouvernement pour sa proposition, et du Parlement quant à son adoption.
Le rôle de la BDL, conformément aux articles 71 et 72 du Code de la monnaie et du crédit, se limite à formuler des avis, des recommandations et des orientations, dans le seul but de renforcer l’efficacité des projets de lois et d’assurer leur cohérence avec le cadre juridique bancaire en vigueur.
Lors des séances précédentes de la sous-commission des Finances et du Budget, des accords ont été trouvés sur plusieurs points techniques essentiels, notamment la définition des procédures de liquidation, l’estimation de la valeur nette des actifs, le règlement des paiements dus aux employés de banques, ou encore la clarification du concept de déposant unique.
Par ailleurs, les articles 2 et 3 du projet de loi ont également été révisés afin d’assurer l’indépendance de la BDL, de préciser son rôle dans le maintien de la stabilité monétaire et financière, ainsi que la protection des dépôts dans le cadre des procédures de liquidation ou de restructuration, conformément à l’article 70 du Code de la monnaie et du crédit.
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