Dans notre survol des principales crises financières internationales, en guise de parallèle, nous scrutons cette fois les composantes de l’épreuve grecque, après avoir présenté dans un premier épisode le cas chypriote.

La Grèce a fait la " une " des journaux en 2015, lorsqu’elle était en plein milieu d’une tragédie financière. Là aussi, on peut constater que les crises économiques ne sont pas des malédictions divines, mais le fruit d’une mauvaise gouvernance.

Dépenses, dettes, démesures

La crise grecque a commencé en 2009, mais les racines sont beaucoup plus profondes. Dès les années 1980, la Grèce accumulait déjà un palmarès de dettes, des politiques financières et économiques inefficaces, des dépenses publiques démesurées, pesant sur la croissance économique.

La Grèce a aussi souffert de taux d’inflation en flèche, de déficits budgétaires et commerciaux élevés, et de crises de taux de change (avant l’euro). Les commentateurs estiment que le principal facteur était la dette publique élevée, qui a atteint plus de 177% du PIB en 2014. Alors que les dépenses publiques augmentaient, les recettes de l’État diminuaient, tandis que l’évasion fiscale et l’économie souterraine, des sports olympiques en Grèce, ne faisaient que croitre.

Grâce à la magie des fausses statistiques (pratique qui a été avouée plus tard par le gouvernement grec), la Grèce avait maquillé ses chiffres financiers pour rejoindre la zone euro en 2001. Les taux d’intérêt ont alors fortement baissé, ce qui a permis à la Grèce d’emprunter encore plus pour servir des dépenses sans cesse en augmentation.

C’est à partir de 2009 que la pyramide a commencé à s’écrouler. La dette publique atteint alors 355 milliards d’euros (2011). La crainte d’un défaut a rendu difficile à la Grèce de contracter de nouveaux emprunts. En 2015, elle a été officiellement déclarée en défaut sur une tranche de dette arrivée à échéance envers le FMI.

L’écrasante majorité de la dette grecque externe était détenue par des banques européennes, en particulier des banques allemandes. Quant aux banques grecques, la valeur des titres publics grecs qu’elles détenaient s’élevait à 62 milliards en mai 2010, soit à peine 20% de la dette, ce qui ne les mettait pas pour autant à l’abri des séquelles de la crise.

Des supplices herculéens

Tous les éléments étaient donc réunis pour le déclenchement de la dégringolade. Le PIB grec est passé de 242 milliards d’euros en 2008 à 179 milliards en 2014. S’ensuit un schéma classique: émigration massive, taux de chômage et de pauvreté en croissance, dégradation de la santé publique, et 40 000 personnes qui ont perdu leur logement, ne pouvant honorer leur emprunt.

La Grèce a alors appelé la communauté internationale à l’aide, et c’est la troïka (UE, FMI, et Banque centrale européenne) qui est venue à la rescousse. En 2011, les prêteurs privés de la Grèce (principalement donc des banques européennes) ont subi une décote de 50% de ce qui leur était dû. Elles ont été en plus invitées à échanger leurs obligations grecques contre de nouvelles obligations de la Banque centrale européenne offrant des taux d’intérêt plus bas et des échéances plus longues, ce qui ajoutait à leur perte initiale.

Au total, la Grèce a reçu plus de 280 milliards d’euros de crédits de la part des autorités européennes et internationales. Et ce n’est qu’en 2018, dix ans plus tard, qu’elle est sortie de son dernier plan de sauvetage. Au total, les autorités ont mis en place 14 plans d’austérité entre 2010 et 2017. Au menu: une hausse de la TVA, des baisses des dépenses publiques, des réformes du système des retraites, etc.

Les banques repêchées

Quant aux banques grecques, elles ont été recapitalisées. Les plus grandes l’ont été à hauteur de 24,4 milliards d’euros par le Hellenic Financial Stability Fund, un organisme public grec ad hoc dont le rôle est de maintenir la stabilité du système bancaire. En contrepartie, le gouvernement a reçu des actions dans ces banques. Les plus petites banques ont été aussi recapitalisées, avec un financement partiel d’investisseurs privés internationaux.

Dès les premiers signes de faiblesse du système bancaire local, des contrôles de capitaux ont été mis en place. Les banques ont été immédiatement fermées par le gouvernement pendant 20 jours, le temps de mettre en place des contrôles sur les virements vers l’étranger et les retraits en espèces. Les retraits ont été limités à 60 euros par jour, pour éviter la ruée qui se profilait. Les contrôles des capitaux ont duré près de quatre ans, et ont été progressivement allégés jusqu’à leur suppression le 1er septembre 2019.

Le chemin de la convalescence

C’est en 2022, presque dix ans plus tard, que la Grèce a pu rembourser (plus tôt que prévu) les dernières tranches des prêts de sauvetage. Les tendances économiques semblent encourageantes. Le PIB a augmenté de 2,7% en 2021. La reprise de l’industrie, des exportations et du tourisme a aidé l’économie à redémarrer. Quant aux déposants grecs, ils ont pu récupérer l’ensemble de leurs dépôts.

Pourtant, les écuries d’Augias n’ont toujours pas été nettoyées: la dette publique constitue toujours 189 % du PIB en juillet 2022. Et la Grèce n’a toujours pas retrouvé les niveaux de PIB d’avant la crise. Le chemin du rétablissement prendra encore quelques années.