Quel projet de budget le Parlement est-il en train de discuter, en l’absence de chiffres réels? Toutes les prévisions portant sur les revenus et les dépenses de l’État sont sans aucun fondement. Une pure hérésie. La livre continue sa descente aux enfers. Le dollar a dépassé jeudi la barre des 38 000 livres libanaises et la population s’attend à un dollar à 40 000 LL. dans les prochains jours, voire dans les prochaines heures, pendant que le débat se poursuivra.

Au vu du rythme vertigineux de la baisse de la valeur de la livre, les chiffres du budget devraient être actualisés à chaque lever du soleil. Entre-temps, le spectacle se poursuivra jusqu’à vendredi soir place de l’Étoile, où le Parlement a entamé jeudi l’examen du projet de budget 2022, tandis que la population continuera de s’enfoncer de plus en plus dans la misère.

Tous les chiffres présentés dans le projet de budget sont évidemment dépassés. Il est vrai que le texte a été révisé depuis mars dernier, date de son envoi au précédent Parlement, mais la dévaluation de la livre et l’inflation galopante ont pris le dessus.

Entériner un fait accompli   

Cela dit, la lenteur du travail du gouvernement ne se trouve pas pour autant justifiée lorsque l’on sait que les discussions sur une augmentation du taux du dollar douanier ont commencé sous le gouvernement de Hassane Diab en 2020. À l’époque, les ministres planchaient sur l’opportunité de relever le dollar douanier de 1.507,5 LL. à 4.000 LL.  À présent, dans sa première mouture, le projet de loi envoyé au Parlement en mars 2022 avait prévu des revenus de l’ordre de 37 mille milliards de livres sur base d’un dollar douanier fixé à 20.000 LL. et des dépenses de 47 mille milliards de livres. La commission parlementaire des Finances et du Budget avait estimé, à cette époque, les recettes réalisables à seulement 26 mille milliards de livres. Sachant que l’augmentation du taux du dollar douanier n’a pas encore été approuvé, alors que les textes de lois autorisent le gouvernement et l’autorité monétaire à le faire. Ensuite, à la demande de ladite commission et en raison du mécontentement de l’opinion publique, le gouvernement a envoyé à la Chambre différents scénarios portant sur un dollar douanier à 12.000 LL., 14.000 LL. et 16.000 LL. Dans le meilleur cas de figure, en se basant sur un dollar douanier à 12.000 LL. ou à 14.000 LL., les revenus totaliseraient plus ou moins 26 mille milliards 519 millions livres, pour des dépenses revisitées à la baisse, lesquelles sont passées de 47 mille milliards de livres à 37 mille milliards de livres.

"Ces scénarios ne tiennent plus la route", comme l’a souligné le député Ibrahim Kanaan, lors de son intervention à la séance matinale de jeudi, en raison principalement du retard mis par le gouvernement et en particulier par le ministère des Finances à fournir les données. Ce qui porte à dire que le contenu du projet de loi est théorique et son approbation ne fera que consacrer rétroactivement "un état de fait des dépenses de l’État".

Des dépenses et rien que des dépenses

Par ailleurs, le député Georges Adwan n’a pas manqué de relever que l’Exécutif a dépensé plus de 25 milliards de dollars depuis le 17 octobre 2019 au moment où il exerçait des pressions sur la Chambre pour l’amener à voter "des lois inutiles", afin de complaire simplement au Fonds Monétaire International et d’obtenir trois milliards de dollars. Il a également critiqué les pertes du secteur bancaire, qui auraient pu être évitées en partie si les banques avaient été autorisées à exiger le remboursement des prêts libellés en dollar et associées à des hypothèques collatérales au taux du dollar du marché parallèle et non au taux officiel de 1.507,5 livres pour un dollar. Il a conclu son intervention en annonçant que le groupe parlementaire des Forces libanaises ne votera pas pour le budget.

Beaucoup a été dit durant les deux séances matinales et nocturnes de la première journée du débat budgétaire qui reprendra demain dans l’après-midi. Les critiques à l’égard d’une loi qui n’est pas à la hauteur des attentes des Libanais ont fusé au fur et à mesure que les députés se succédaient à la tribune pour commenter un texte que plusieurs parmi eux ont considéré comme étant " de pure forme ", parce que sans substance.

Le peu de sérieux du gouvernement dans l’élaboration du projet de budget est clair lorsqu’on s’aperçoit que sur les 147 articles du texte, seuls 17 concernent directement le budget au sens strict du terme. Les autres chapitres portent sur des titres tels les lois-programmes ou les taxes et impôts.