Le ministre sortant des Finances Youssef Khalil a annoncé mercredi, dans une interview à l’agence de presse Reuters, que le taux de change officiel au Liban sera, à dater du 1ᵉʳ novembre 2022, de 15.000 livres libanaises pour un dollar. Une décision qui aurait dû être communiquée stratégiquement et qui annonce une libéralisation du taux de change.  

La Banque du Liban va désormais opter pour un taux de change officiel de 15.000 livres pour un dollar au lieu de celui de 1.507 LL en vigueur depuis 1997, a affirmé mercredi le ministère des Finances dans un communiqué, faisant suite à la déclaration du ministre sortant des Finances Youssef Khalil à l’agence Reuters. Pour le ministre, c’est un " premier pas vers une unification des nombreux taux de change appliqués aujourd’hui dans le pays ".

Le ministère des Finances a révélé que sa décision se situe dans le prolongement de l’adoption mardi au Parlement du Budget 2022, dans lequel le dollar douanier a été fixé à 15.000 livres.

Le communiqué indique aussi que les autorités financières et monétaires devront " œuvrer pour contenir les retombées sur la situation socio-économique des Libanais (par exemple: les prêts au logement) et aider le secteur privé à opérer de manière organisée le passage vers le nouveau taux de change ".

Quid des répercussions?

L’impact pratique et les répercussions de cette mesure n’ont pas encore été clarifiés, ni par le ministère des Finances ni par la Banque du Liban, déplore M. Nassib Ghobril, économiste en chef de la Byblos Bank. " Cette déclaration du ministre sortant des Finances de façon, faite de façon très brève et ambiguë, à travers une agence de presse, n’était pas une bonne idée étant donné l’effet de la décision annoncée sur beaucoup d’aspects de l’économie libanaise ", déclare-t-il à Ici Beyrouth. Pour lui, elle aurait dû être " préparée au préalable à travers une stratégie de communication pour avertir les composantes du secteur privé, les citoyens, les déposants, les épargnants et les détenteurs de crédits. La façon dont cela a été annoncé n’était pas propice”, affirme-t-il.

L’économiste estime qu’il aurait fallu rassurer en amont les Libanais parce qu’ils n’ont pas confiance dans les autorités. À ses yeux, la grande responsabilité du ministère et de la BDL est d’expliquer dès jeudi matin très clairement les mesures et l’impact sur les dépôts, les retraits, les prêts bancaires, l’inflation, le taux de change, le marché parallèle, les prix à la consommation, les impôts, les taxes et le coût des formalités administratives. C’est que les répercussions pratiques de la décision impromptue du ministère des Finances restent totalement méconnues.

L’un des buts de cette décision, commente encore M. Ghobril, est aussi d’attirer la demande vers la plateforme Sayrafa au lieu du marché parallèle et de permettre à la BDL de sauvegarder ses réserves qui ne sont plus que de 9 milliards 600 millions de dollars (à la mi-septembre) ce qui constitue une baisse de 3 milliards 200 millions de dollars depuis le début de l’année.

Un taux dicté par l’offre et la demande

Pour Nassib Ghobril, elle sera suivie d’une autre décision: celle de ne plus avoir un taux de change officiel fixe. Celui-ci devrait être déterminé par le marché sur base du principe de l’offre et de la demande.

Reste à rappeler que la décision du ministère des Finances est une des conditions préalables de l’accord de principe conclu entre les autorités libanaises et le Fonds monétaire international pour que l’institution signe accorde au Liban une enveloppe de 3 milliards de dollars, afin de l’aider à lancer un plan de redressement. Le FMI aurait préféré que les autorités libanaises lâchent le taux de change d’un seul coup, mais ces dernières ont choisi de suivre une stratégie plus lente pour que l’impact sur l’économie, sur les secteurs et sur la population soit moins sévère. Rappelons que les responsables avaient introduit le taux de 1.507 LL pour un dollar en 1997. Mais la livre s’était effondrée de plus de 95 % depuis.