Prudence et souplesse : la Banque centrale européenne a annoncé jeudi l’allègement de son dispositif de soutien à l’économie, mais maintient des filets de sécurité et veut rester flexible dans un contexte économique incertain marqué par le variant Omicron et la poussée d’inflation

L’institut présidé par Christine Lagarde continue son cavalier seul à l’heure où d’autres grandes banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre, resserrent la vis monétaire.

A l’issue de la réunion du Conseil des gouverneurs, la BCE a certes confirmé qu’elle allait mettre progressivement fin à son programme d’achats urgence pandémie (PEPP), doté d’une enveloppe de 1850 milliards d’euros.

Mais elle augmentera un autre programme d’achats " classique " après le mois de mars 2022 pour ne pas sevrer trop brutalement l’économie et risquer de durcir les conditions de crédit.

Et les gardiens de l’euro jugent toujours " très improbable " un relèvement des taux d’intérêt l’an prochain, a réaffirmé Mme Lagarde, au moment où la Fed dit envisager trois hausses de taux en 2022.

" Il est difficile de comparer les Etats-Unis et la zone euro ou le Royaume-Uni et la zone euro ", a justifié Christine Lagarde, car " ces trois économies sont à des stades complètement différents de leur cycle. Elles ont démarré sur des bases différentes, elles ont eu des soutiens fiscaux différents ".

Alors que l’inflation prend une ampleur vertigineuse de l’autre côté de l’Atlantique, la zone euro va connaître un pic du niveau des prix en 2022 puis les voir refluer, prévoit la BCE.

La banque centrale a nettement relevé jeudi ses prévisions d’inflation à 2,6% en 2021 et 3,2% en 2022, à cause de la flambée des prix d’énergie qui a davantage pesé dans le panier, contre respectivement 2,2% et 1,7% lors de la précédente prévision.

Mais l’inflation devrait ensuite se stabiliser à 1,8% en 2023 et 2024, en raison d’une détente attendue sur le marché de l’énergie et de l’offre de composants industriels.

La Banque centrale européenne reste par ailleurs raisonnablement optimiste pour l’activité économique, en dépit des inquiétudes liées à la progression du variant Omicron.

" L’économie de la zone euro continue de se redresser malgré un ralentissement à court terme ", lié notamment au retour des restrictions dans de nombreux pays, selon Mme Lagarde.

Ces restrictions " freinent l’activité économique et pèsent sur les perspectives à court terme ", pour cet hiver et le début de l’année 2022.

Mais les campagnes de vaccination " se sont accélérées et dans l’ensemble, la société est devenue plus apte à faire face aux vagues de pandémie et aux contraintes qui en découlent ", estime la BCE.

En conséquence, elle a abaissé sa prévision de croissance du PIB de la zone euro en 2022 à 4,2% tout en la relevant à 2,9% pour 2023 et 1,6% en 2024.

Robinet de liquidités ouvert au coeur de la crise du Covid pour maintenir un coût de financement raisonnable des Etats de la zone euro, le PEPP va voir ses achats nets de dette diminuer progressivement jusqu’à fin mars. Puis ils s’arrêteront définitivement.

Mais pour ne pas sevrer d’un coup les marchés, la banque centrale a prévu une enveloppe d’achats supplémentaires après mars.

Cette manne monétaire sera ajoutée à l’ancien programme de rachat d’obligations publiques et privées (" APP "), qui sera porté à 40 milliards d’euros par mois au deuxième trimestre 2002, puis à 30 milliards au troisième trimestre, pour revenir à 20 milliards d’euros par mois ensuite, son rythme actuel.

Par ailleurs, la BCE a précisé qu’elle se laisserait une grande souplesse dans les réinvestissements du PEPP, notamment dans les situations à risque. Elle pourra ainsi continuer à acheter de la dette d’Etat grecque, qui n’est pas éligible à l’APP. Elle se réserve aussi le droit de relancer le programme d’urgence si nécessaire.

" Par rapport au virage spectaculaire de la Fed hier et à la hausse des taux de la Banque d’Angleterre aujourd’hui, la Banque centrale européenne reste sur la voie lente ", a commenté Holger Schmieding, analyste chez Berenberg.

Car " l’incertitude sur l’avenir des politiques budgétaires en Europe " la force à " rester en toile de fond ", selon Ludovic Subran, chef économiste d’Allianz.

AFP

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