Voilà un beau refrain pour une chanson économique répétée à souhait: "Il faut revoir radicalement le modèle de l’économie libanaise telle qu’elle a été pratiquée jusqu’à maintenant". Le premier couplet, selon une floppée de responsables politiques et même d’économistes porte sur "la nécessité de donner la priorité aux secteurs productifs, à la place d’une économie de ‘rente’, basée sur les services et la finance".  Par secteurs productifs, on veut généralement dire en premier lieu l’industrie et l’agriculture.

Bon, essayons de décortiquer tout ce fatras à la lumière de la réalité du marché. D’abord, un gouvernement dans un pays libéral ne peut pas décider de ce qu’un investisseur a envie de faire. Autant dire à un consultant juridique: "Vous ne produisez rien du tout avec vos élucubrations, allez plutôt planter des choux ou fabriquer des jeans". Comme ce n’est pas son dada, il ira proposer ses services ailleurs.

Prenons par exemple la France, un pays industriel modérément libéral. On constate parfois qu’il y a de plus en plus de délocalisation d’usines vers l’Asie ou ailleurs. On parle même d’une ‘désindustrialisation’… sans que les pouvoirs publics n’aient la possibilité d’intervenir pour inverser la vapeur. De sorte que l’industrie manufacturière ne représente plus que 19% du PIB, deux fois moins qu’en 1970, contre 78% pour les services (et 3% pour l’agriculture). Le plus drôle c’est que cette évolution n’a pas dégradé le statut de la France de son rang parmi le top 10 des pays les plus riches.

Autrement dit – encore une lapalissade – les services, y compris financiers, peuvent être générateurs de plus-value autant, sinon plus, que ces secteurs labellisés productifs.

Ensuite, il n’est pas vrai que ces secteurs étaient défavorisés au Liban, bien au contraire. Cela fait des années que des crédits bonifiés et des exemptions fiscales sont offerts à tout investissement dans l’industrie et l’agriculture, en plus du tourisme, des startups et des nouvelles technologies. Le budget 2022 les a d’ailleurs confirmés et parfois étendus… mais d’une manière, disons, chaotique.

Cela n’a cependant pas servi à grand-chose. Car, soyons sérieux, un investisseur ne va pas construire une usine juste parce qu’on allège la fiscalité sur les bénéfices. Car encore faut-il qu’il fasse des bénéfices en premier lieu, ce qui n’a pas convaincu grand monde. Beaucoup d’industries demeurent risquées et peu rentables à la base, selon toute une série de considérations liées aux coûts, concurrence, climat d’investissement, etc.

Ceci dit, dès qu’une nouvelle opportunité se présente à la lumière de quelque changement de conjoncture, les professionnels n’attendent point un conseil des pouvoirs publics; ils n’hésitent pas à saisir l’occasion. On le voit clairement depuis 2020, avec l’émergence ou le développement de nouvelles industries devenues profitables avec la crise. Comme certaines boissons alcoolisées, des denrées alimentaires jusque-là importées, des produits liés au covid, des produits d’hygiène domestique et personnelle… Leur part de marché ne cesse de s’étendre.

En résumé, les pouvoirs publics, en voulant faire oublier les vrais problèmes, tiennent à fournir des réponses à des questions qui n’ont jamais été posées.

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