Retour sur cette patate chaude de la " loi sur le contrôle des capitaux " que personne ne veut attraper. Il faut dire que l’approche des élections législatives incite au populisme, de sorte qu’aucun politique ne nie la nécessité d’une telle loi. Mais en même temps, personne ne veut assumer ce que cela implique. La Grèce, lors de sa crise financière, est passée par là, avant que ses responsables ne reviennent à la raison.

Alors, pour essayer de sortir de ce dédale crétois, au-delà de la mouture qui a été rejetée il y a quelques jours par les députés, voici quelques points sur les i.

• Aucune loi sur le contrôle des capitaux ne peut satisfaire tous les protagonistes. Comme elle est, par définition (par son intitulé même!), une réglementation astreignante, elle aliène les déposants de certains de leurs droits élémentaires, comme celui de jouir à leur guise de leur argent pour consommer, le transférer ou juste le retirer dans sa monnaie initiale. Dire qu’une telle loi est contraire à la Constitution et aux lois en vigueur, comme le répètent à raison les déposants et les juristes, ne résout pas le problème. Une telle loi est forcément une dérogation à la Loi fondamentale, mais elle est devenue nécessaire dans une situation exceptionnelle.

• Ce texte de loi pointe à l’horizon en l’absence d’un plan financier global qui est supposé préciser les pertes du secteur financier, pour ensuite les répartir. Un tel plan devrait comprendre aussi une feuille de route exhaustive pour sortir de la crise ainsi qu’un filet social. Or tous ces éléments pataugent encore dans la torpeur gouvernementale.

• Le projet de loi intervient bien trop tard. En général, une telle réglementation est promulguée dès les premiers jours ou les premières semaines après le déclenchement de la crise. Cela aurait permis d’avoir des restrictions plus légères, car le système financier était beaucoup moins vulnérable que deux ans plus tard.

• Dans chaque mouture de loi sur le contrôle des capitaux, dans tout pays, les législateurs sont supposés établir un équilibre d’orfèvre entre les déposants et les banques. Le but est d’imposer le moins de restrictions possibles aux déposants, mais en même temps savoir ce que le système bancaire est capable d’offrir sans risque de faillite systémique qui verrait disparaître la plupart des établissements du pays et tout l’argent qui y est déposé. Cela ne sert à rien de prendre des mesures populistes (très en faveur des déposants donc), si le système financier n’est pas susceptible de tenir le coup et irait donc à sa faillite.

• En conséquence, cet équilibre d’orfèvre ne peut être uniquement imputé aux seuls députés, à travers une loi ad hoc. L’autorité de tutelle, la Banque du Liban, doit être dotée de suffisamment de flexibilité et de prérogatives pour moduler son application selon la situation.

Par exemple, contrairement à ce que semblent vouloir les députés, on ne peut pas imposer par une législation de longue durée le montant des retraits permis aux déposants, qui doit rester donc valable au moins pour un an. L’autorité de tutelle devrait pouvoir augmenter ou diminuer ce montant ou ses modalités en cours de route, selon la disponibilité des devises dans le système bancaire, encore une fois pour éviter les faillites. Seule cette autorité a les données nécessaires pour le faire. Transférer ces prérogatives à des députés ou à des ministres, parce qu’on n’aime pas le gouverneur, est contre-nature. Et si la classe politique n’a pas confiance en le gouverneur, qu’on le remplace.

Ce n’est pas parce qu’on n’aime pas un ministre de l’Agriculture qu’on confie le dossier agricole au conservateur du Musée national !