Dans un rapport publié jeudi, Human Rights Watch (HRW) déplore que  le droit à l’électricité soit totalement bafoué au Liban. L’organisation estime que les autorités libanaises n’ont pas réussi à le faire respecter à cause d’une mauvaise gestion du secteur pendant des décennies. HRW estime que la crise du secteur de l’électricité a exacerbé la pauvreté et les inégalités au pays du cèdre.

Intitulé “Coupé de la vie elle-même: l’échec du Liban sur le droit à l’électricité”, le rapport de Human Rights Watch sur le droit à l’électricité, bafoué dans le pays, épingle les autorités: " Le droit internationalement protégé à un niveau de vie adéquat comprend le droit de chacun, sans discrimination, à une électricité suffisante, fiable, sûre, propre, accessible et abordable ".

Pour l’instant, Électricité du Liban (EDL) ne fournit de l’électricité qu’une à trois heures par jour en moyenne et les personnes qui peuvent se le permettre complètent cet approvisionnement avec des générateurs privés ou avec des panneaux solaires.

"L’électricité stable au Liban est effectivement devenue un service auxquels seuls les plus riches ont accès, ce qui renforce les inégalités profondément ancrées dans le pays et plonge davantage les gens dans la pauvreté", peut-on lire dans le texte.

"La crise de l’électricité au Liban pousse les gens dans l’ignorance et réduit considérablement leur accès à des droits essentiels tels que l’alimentation, l’eau, l’éducation et les soins de santé", a déclaré Lama Fakih, directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de Human Rights Watch. "La situation désastreuse au Liban prouve que l’accès à une électricité sûre, propre et abordable n’est pas simplement une commodité, mais un droit humain que l’État a l’obligation de respecter", poursuit-elle.

Mauvaise gestion des autorités

Le rapport souligne que pendant près de 30 ans, les autorités libanaises n’ont pas réussi à gérer correctement la compagnie d’électricité publique, Électricité du Liban, ce qui a entraîné des pannes généralisées.

Des politiques non durables, une négligence fondamentale, une mauvaise gestion des ressources de l’État et une corruption endémique ont provoqué l’effondrement total du secteur en 2021 en pleine crise économique, laissant le pays sans électricité.

Les gouvernements successifs ont promis pendant des années de réformer le secteur de l’électricité, mais ces promesses sont restées lettres mortes, à cause des intérêts politiques et personnels qui se posent en obstacle à toute réforme. Au lieu de mettre en place une instance de régulation indépendante de l’électricité pour diriger le secteur, comme l’exige la loi, le Conseil des ministres a permis que le ministère de l’Énergie et de l’Eau, détenu depuis plus de dix ans par le Courant patriotique libre (aouniste), exerce un contrôle presque complet sur le secteur avec peu de transparence et de responsabilité.

Les politiciens et les personnes politiquement connectées ont exploité le secteur de l’électricité pour atteindre leurs objectifs politiques, notamment en assurant à leurs partisans des emplois dans l’entreprise gouvernementale et en réalisant d’énormes profits grâce à des contrats lucratifs, souvent aux dépens de l’État. Sans oublier le marché des générateurs de quartiers, tenu presque par une mafia, le plus souvent liée à des hommes politiques.

Neuf ménages sur dix affectés par le coût de l’électricité

Human Rights Watch en partenariat avec l’Institut de consultation et de recherche (CRI), une société locale de recherche, a réalisé une étude sur plus de 1.200 ménages.

Les résultats ont montré à quel point la crise de l’électricité exacerbe les inégalités, plonge les gens dans la pauvreté et entrave l’accès aux droits fondamentaux comme la nourriture, l’eau et la santé. Elle provoque en outre une pollution atmosphérique importante qui affecte l’environnement et la santé et contribue à l’aggravation de la crise climatique.

Neuf ménages sur dix interrogés ont déclaré que le coût de l’électricité affectait leur capacité à payer d’autres services essentiels.

Parmi les 20% de ménages les plus pauvres, un sur cinq n’avait pas accès à un groupe électrogène.

HRW reproche au gouvernement libanais de ne pas avoir investi dans les sources d’énergie renouvelables, même s’il a reconnu que les ressources solaires et éoliennes du Liban pourraient alimenter le pays.

L’organisation presse les autorités de prendre des mesures immédiates pour garantir à tous les résidents un approvisionnement continu, abordable et propre en courant életrique, en mettant l’accent sur l’augmentation de la capacité de production à partir de l’hydroélectricité, de l’éolien et du solaire.

Plus la transition vers les énergies renouvelables est rapide, plus le Liban économisera de l’argent, créera des emplois et sauvera des vies grâce à la réduction de la pollution atmosphérique, insiste Human Rights Watch.

Les institutions financières internationales, indique le rapport, devraient exhorter le gouvernement libanais à réformer le secteur de l’électricité conformément aux obligations du pays en matière de droits de l’homme et à veiller à ce que chacun, quel que soit son statut socio-économique, ait accès au courant.