Le premier groupe bancaire suisse UBS va racheter son rival en difficulté Crédit Suisse pour une bouchée de pain, mais avec d’importantes garanties du gouvernement helvétique, qui espère éviter une crise bancaire mondiale majeure. Le rôle exercé par Berne a été salué par les banques centrales les plus puissantes qui ont annoncé une action coordonnée pour améliorer l’accès aux liquidités afin de rassurer les investisseurs en pleine crise de confiance dans le système bancaire.

Du Trésor américain à la Banque centrale européenne (BCE) en passant par Londres, l’annonce de ce rachat a été aussitôt saluée par plusieurs pays et banques centrales qui craignaient un nouvel emballement des marchés, déjà rendus fébriles par la récente faillite de la Silicon Valley Bank aux Etats-Unis.

Le montant du rachat de Crédit Suisse, qui traversait une intense phase de turbulences depuis le début de la semaine, s’élève à 3 milliards de francs suisses (3,02 milliards d’euros), payables en actions UBS, pour une banque qui en valait près du triple vendredi à la clôture de la Bourse.

Elle crée un géant bancaire comme la Suisse n’en avait encore jamais connu et suscite des inquiétudes sur de possibles suppressions d’effectifs.

La ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, a déclaré que la faillite de Crédit Suisse aurait pu provoquer " des dommages économiques irréparables ". " Pour cette raison, la Suisse doit assumer ses responsabilités au-delà de ses propres frontières. "

La fusion entre ces géants, qui font tous deux partie du club très fermé des 30 établissements bancaires trop importants pour faire faillite, a donc été annoncée à temps pour l’ouverture des marchés asiatiques dans l’espoir d’empêcher une panique généralisée.

Le président de la Banque nationale suisse (Banque centrale), Thomas Jordan, devant le siège du Parlement, en route vers le Département fédéral des Finances, dimanche à Berne.

Le secteur bancaire est sous tension depuis que les grandes banques centrales ont augmenté fortement leurs taux afin d’essayer de maîtriser l’inflation. Nombre d’établissements ont omis de se préparer après avoir eu accès, pendant des années, à de l’argent pas cher.

La récente faillite de la Silicon Valley Bank aux Etats-Unis et d’autres banques régionales américaines a augmenté l’angoisse des investisseurs et les a poussés à vendre les titres des banques considérées comme les maillons faibles.

C’est le cas du Crédit Suisse qui, depuis 2 ans, va de scandales retentissants en revers et a eu soudainement du mal à accéder des liquidités à des prix raisonnables.

À partir de la gauche: les présidents des deux géants bancaires, Axel Lehmann pour Credit Suisse et Colm Kelleher pour UBS; la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter; le président de la Confédération helvétique, Alain Berset et le président de la BNS (Banque centrale suisse) Thomas Jordan, lors d’un point de presse dimanche soir à Berne pendant lequel l’accord a été annoncé.

UBS (issue de la fusion de l’Union de banques suisses et de la Société de banque suisse en 1998), qui a passé plusieurs années à se redresser après le choc de la crise financière de 2008 et un sauvetage massif de l’Etat, commence à récolter les fruits de ses efforts et il a fallu énormément de pression des autorités pour que la direction de la banque accepte d’endosser l’habit du sauveur.

Pour faire passer la pilule, la banque va bénéficier d’une garantie de quelque 9 milliards de francs du gouvernement qui sert d’assurance si des problèmes devaient être découverts dans des portefeuilles très spécifiques de Crédit Suisse. La Banque centrale accorde par ailleurs une ligne de liquidités allant jusqu’à 100 milliards CHF aux deux établissements.

Roger Barake, avec AFP