Le Liban est confronté depuis plus de trois ans à une terrible crise socio-économico-financière qui engendre de graves bouleversements de son économie et du marché du travail. Le taux de chômage officiel du pays a presque triplé en trois ans passant de 11,4% en 2019 à 29,6% en janvier 2022, date des dernières données officielles.

Depuis plus de trois ans, le Liban fait face à une grave crise socio-économique et financière, résultant de décennies de mauvaise gestion et de corruption. Cette crise a plongé près de 80% de la population, un chiffre historiquement élevé, dans la pauvreté et a bouleversé le marché du travail.

Le pays subit une dépréciation spectaculaire de sa monnaie et une inflation de 189,67% en mars 2023, en glissement annuel, avec des conséquences désastreuses sur la vie des Libanais. De plus, le chômage et l’émigration ont considérablement augmenté. Le taux de chômage officiel au Liban a presque triplé depuis 2019, passant de 11,4% en 2019 à 29,6% en janvier 2022.

Après une récession brutale d’environ 40% au début de la crise, l’activité économique semble s’être quelque peu stabilisée en 2022, grâce à la reprise du tourisme et aux transferts de fonds des expatriés, donnant un coup de pouce à la consommation.

Absence de données officielles récentes

Faute de recensement et de données précises, les économistes analysent l’état du marché du travail local en se basant sur des chiffres fournis par des enquêtes sur les caractéristiques de la population active, de l’emploi et du chômage.

Deux enquêtes officielles ont été menées par l’Administration centrale des statistiques (ACS): la première couvrant la période 2018-2019 et la deuxième s’arrêtant à janvier 2022. Depuis lors, le Liban ne dispose d’aucune donnée officielle sur le marché du travail. "Tous les chiffres qui circulent ne sont pas fiables et il faut donc attendre la seule enquête officielle que l’ACS publiera pour avoir une véritable opinion du marché du travail", a affirmé l’économiste Nassib Ghobril à Ici Beyrouth.

Des chiffres inquiétants

Les dernières statistiques officielles remontent à janvier 2022, selon une enquête réalisée à partir de données collectées entre 2021 et janvier 2022, et une précédente entre avril 2018 et mars 2019, c’est-à-dire au tout début de la crise et de la pandémie de Covid-19, et avant l’explosion au port de Beyrouth. Ces chiffres révèlent notamment que le taux de chômage au Liban s’élevait à 11,4% de la population active, en incluant les résidents étrangers pour lesquels le taux d’emploi est plus élevé. Ces derniers représentaient environ 20% de la population totale, un chiffre qui n’englobait pas les personnes vivant dans les camps de réfugiés. Le taux de chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans était de 23,3%, tandis que celui des jeunes diplômés atteignait 35,7%. Près de 30% des femmes étaient actives à ce moment.

La seconde étude, basée sur des données analysées entre 2021 et début 2022, a montré un taux de chômage de 29,6%, réparti comme suit: 28,4% pour les hommes et 32,7% pour les femmes. L’enquête a révélé que le taux de chômage à Baalbeck-Hermel était de 40,7% en janvier 2022, suivi du Liban-Sud (36,5%), de la Békaa (35,2%), du Liban-Nord (32,3%), de Nabatiyé (29%), du Akkar (26,7%), du Mont-Liban (25,4%) et de Beyrouth (24,8%).

À titre de comparaison, le taux de chômage était de 14% au nord du pays durant la période 2018-2019, de 13,6% dans la Békaa, de 12,3% au Liban-Sud, de 11,6% à Beyrouth, de 11% à Baalbeck-Hermel, de 10,8% à Nabatiyé, de 10,4% au Mont-Liban et de 9,3% au Akkar. Des chiffres qui ont augmenté parallèlement à l’aggravation de la crise.

Concernant l’âge, le taux de chômage était de 47,8% pour les 15-24 ans jusqu’à janvier 2022, 17,3% pour les 25-29 ans, 4% pour les 60-64 ans et 2,2% pour les plus de 64 ans.

Le taux d’activité était de 43,4% en janvier 2022, 66,2% pour les hommes et 22,2% pour les femmes.

Il convient de noter que 48% des travailleurs étaient employés de façon informelle, c’est-à-dire sans accès aux droits et protections sociales en janvier 2022, comparé aux 35,2% entre 2018 et 2019.

Par ailleurs, ce secteur informel primait dans la balance globale des emplois. Il constituait avant 2019 36% du PIB, et l’emploi dit sans droit 66% de la population active.

Enfin, selon des sources à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) quelque 30.000 salariés et travailleurs ont été rayés des registres depuis 2019.