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Les organismes internationaux ont cette manie d’inventer un lexique bien à eux. Il en est ainsi, par exemple, de ce qu’ils appellent les catégories sociales ‘marginalisées’, ou ‘les plus vulnérables’. En fait, on l’a deviné, ce sont dans notre langage profane les pauvres, les misérables, les nécessiteux… dont personne ne s’occupe dans les cercles du pouvoir et que ce sont donc ces bienfaiteurs du monde qui s’en chargent. Absolument seuls, avec parfois le ministre pour le décor.

Au contraire, l’administration locale fait son possible pour mettre des bâtons dans les roues. Par exemple, le programme Aman financé par la Banque mondiale, qui devait cibler 150 000 ménages, n’arrive pas à atteindre les 100 000 trois ans après le lancement du programme et un an après sa mise en exécution. C’est que chacun des pontes du pouvoir essaie d’intégrer ‘ses pauvres’ dans la liste, sans passer par la case ‘vérification sur le terrain’, obligatoire pour ce programme.

Certains pourraient commenter en disant que c’est une situation normale dans un pays qui a fait faillite: ce sont les bienfaiteurs mondiaux qui s’en occupent. Mais en attendant une solution globale et radicale à notre crise économique, via peut-être le FMI, est-ce qu’on ne peut vraiment rien faire au niveau local, même si on est complètement fauchés? Et fait, si. Comme on ne peut secourir les pauvres avec des aides, on peut au moins agir pour que le coût de la vie soit moins élevé. Et l’une des meilleures façons économiquement prouvées de baisser les coûts est de favoriser la concurrence. Dans quels domaines? Tout, en fait, mais on va juste donner quelques exemples ci-dessous :

Générateurs : casser les monopoles par quartier, qui fonctionnent avec des complicités politiques et municipales évidentes, en ouvrant le service à tout intervenant, et les tarifs à la concurrence.

Téléphonie mobile : en finir avec le monopole étatique avec ses deux sociétés jumelles au service médiocre, qu’on a alourdies avec des centaines d’employés superflus. L’idée est d’introduire un troisième opérateur, privé, en attendant une totale libéralisation, et permettre aux abonnés de passer de l’un à l’autre sans pénalité. La concurrence, qui n’a jamais existé dans ce secteur, devra faire le reste.

Internet : Cesser de harceler les fournisseurs privés, illégaux, et leur permettre d’avoir des connexions internationales directes, sans passer par le monopole d’État. Puis les autoriser à étendre et exploiter le réseau de fibres optiques ce qu’Ogero, dans sa léthargie légendaire, n’a pu su faire, déjà au sommet de sa gloire avant la crise.

–  Transports : Cesser d’entraver les solutions de transport collectif alternatives, comme le tuk-tuk, le covoiturage ou les nouvelles applications lancées récemment (il faut admettre à la fin qu’on est désormais dans un pays pauvre!). Puis confier, pour commencer, la gare routière Charles Hélou à une société privée pour mieux organiser le service et réduire les coûts de fonctionnement et les tarifs. Et, de grâce Mesdames-Messieurs les donateurs-trices, cessez d’offrir des bus au ministère des Transports, et confiez-les à la place à des opérateurs privés, des organisations sans but lucratif dans les différentes régions.

Commerce : Les commerçants importateurs se sont adaptés à la crise en cherchant à introduire de nouveaux produits, moins chers, ou aller chercher les mêmes mais d’un pays tiers. C’est ce qui explique, à titre d’exemple, le prix concurrentiel du dentifrice Signal ou du fromage Smeds: ‘made in Egypt’, sous licence. Quant aux produits locaux, on peut confier à des ONG le soin d’organiser des marchés hebdomadaires partout dans le pays, où seuls les producteurs proposent leurs produits, qui seront moins chers une fois les intermédiaires éliminés.

Distribution : permettre la publicité comparative entre les produits et entre les points de vente, en mettant en avant, par exemple, les supermarchés les moins chers, selon des critères objectifs, et les produits les moins chers dans chaque supermarché par type de produit.

Vols : en finir avec le monopole de la MEA, érigée en icône sacrée nationale alors qu’elle ajoute les erreurs de gestion aux tarifs élevés. Puis autoriser la création d’autres compagnies, en particulier un charter-low cost.

Des exemples comme ceux-là il y en a des dizaines. Mais il faut d’abord qu’il y ait un ministère de l’Économie pour les dévoiler. Et il faut surtout que l’État cesse de cumuler ses deux absurdités les plus aberrantes: ne rien faire et empêcher les autres de faire.

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