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Une crise qui a frappé trois banques a poussé les autorités concernées aux États-Unis à réagir promptement afin de traiter cette situation et d’éviter une crise dont les séquelles, si elles devaient s’étendre, pourraient toucher l’ensemble du système financier américain.

De même, en Suisse, la crise du Crédit Suisse a poussé les autorités concernées à garder leurs réunions ouvertes tout au long du week-end, jusqu’elles se soient assurées que la crise a été bien traitée et la situation contenue, avant l’ouverture des marchés au début de la semaine suivante.

Au Liban, nous pouvons dire que nous sommes les champions du livre Guinness des records. Alors que le FMI nous interpelle en affirmant que la crise libanaise est sans précédent dans son acuité, et alors que nous nous trouvons dans un vide constitutionnel, nous poursuivons notre travail et notre petite vie comme si de rien n’était. Nous avons prouvé que nous sommes le seul pays au monde capable de vivre sous un vacuum présidentiel à répétition, et pour des années durant, sans qu’on s’en soucie outre mesure.

Quarante-trois mois se sont écoulés, au cours desquels les déposants ont perdu 51 milliards de dollars de leurs dépôts. Et l’État prend tout son temps pour débattre des projets de lois, puis les retirer, en formuler d’autres, et lorsqu’il finit par adopter quelques lois, il apparaît que le FMI n’en est pas satisfait.

Près de 51 milliards de dollars de dépôts ont été gaspillés depuis le 17 octobre 2019, à travers les crédits accordés au secteur privé et les placements obligatoires en dollars auprès de la Banque du Liban (BDL).

Au début de la crise, le bilan de la BDL affichait 31 milliards de dollars (ou autres devises) d’avoirs. De ce total, 22 milliards de dollars ont été dépensés jusqu’à maintenant. Si ce montant avait été restitué aux déposants au cours de cette période, la plus grande partie des comptes auraient été remboursés et des centaines de milliers de déposants auraient obtenu ce qui leur revient de droit.

Mais la politique a préféré troquer l’économie libanaise en faveur d’une autre qui s’apparente aux économies communistes. Pire encore, l’État n’a même pas respecté les concepts communistes, car la plus grande partie de ce qui a été dilapidé a bénéficié à quelques opportunistes influents ou a été transférée à l’étranger, au lieu de profiter au peuple.

Ces 31 milliards de dollars représentaient 25% des 124 milliards de dollars, soit le total des dépôts en devises dans les banques commerciales au 15 octobre 2019. Aujourd’hui, les 9 milliards qui restent dans le bilan de la BDL ne représentent plus que 10% des 94 milliards de dollars, qui est le niveau actuel des dépôts en devises dans les banques commerciales. Sans qu’on sache le pourquoi du comment…

En plus, ces réserves obligatoires ne représentent donc actuellement que 10% des dépôts au lieu des 14% réglementaires, sans explication ou justification, ni même une circulaire pour conférer un aspect légal à cette baisse, du moins jusqu’à maintenant.

Un aspect encore plus dangereux consiste en ces rumeurs faisant état d’une volonté d’octroyer quatre nouvelles licences bancaires qui devraient traiter uniquement en dollars frais, que ce soit pour les dépôts ou les crédits. Autant dire qu’on cherche à créer un nouveau secteur bancaire et éliminer le secteur bancaire existant, avec ses dépôts.

Au cas où l’activité bancaire mute ainsi vers un nouveau secteur créé de toutes pièces, les banques actuelles ne seraient pas capables de participer à la résolution de la crise, si on ne leur assure pas les ressources suffisantes pour la pérennité de leur activité.

Il est vrai que les pressions exercées sur la BDL concernant le financement en devises des besoins étatiques, en plus des pressions pour juguler le taux de change, dans une telle ‘crise systémique’, sont difficiles à contrecarrer.

Mais les banques, soucieuses du sort de leurs dépôts auprès de la BDL, doivent aussi rappeler qu’elles ont adressé une note officielle à la BDL en date du 31 mars 2021 et du 4 avril 2022, insistant sur la nécessité de préserver les réserves obligatoires. Elles ont même soutenu qu’il ne fallait pas toucher aux dépôts des banques auprès de la BDL, mais les sauvegarder intégralement. La banque centrale a répliqué qu’elle a la possibilité de rembourser ces dépôts en livres libanaises, selon le taux de change en vigueur. Une solution qui n’est pas acceptable pour l’Association des banques qui tient à préserver ‘le parallélisme des formes’, autrement dit restituer ces dépôts dans la même devise.

Une période transitoire, mais cruciale, pèse sur le secteur bancaire, à l’ombre d’un vide présidentiel et législatif qui va encore une fois reporter les possibles solutions. Il est grand temps de traiter les causes en même temps que les conséquences. De sorte que la restructuration du secteur bancaire soit accompagnée d’un assainissement de l’État eu égard à la corruption et au clientélisme, pour que les gouvernements successifs cessent de dilapider ce qui reste de l’argent des déposants. Autrement, cette situation problématique va continuer à faire du surplace.

(*) Dr. Fady Khalaf est le secrétaire général de l’Association des banques au Liban

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