Les économies des pays du Golfe ont toutes les chances de connaître une éclaircie économique en 2022, de quoi compenser les pertes de l’ère Covid. Les entreprises du monde entier lorgnent avec intérêt cette évolution. Alors que les Libanais se demandent s’ils auront droit à une part de ce gâteau…

Depuis mai 1981 – date de la création du Conseil de Coopération du Golfe – et jusqu’à la pandémie de la COVID-19, les pays du Golfe avaient de fortes croissances annuelles et, la plupart du temps, des excédents budgétaires. Leur revenu par habitant était historiquement égal, et parfois supérieur, à celui des pays du G10, les principaux pays industrialisés de la planète.

La pandémie a plongé l’économie mondiale, y compris celles des pays du Golfe, dans une récession plus ou moins sensible selon les pays. Qui plus est, les mesures de relance des gouvernements ont négativement impacté les soldes budgétaires des pays membres du CCG, générant des déficits importants. Seule l’Arabie Saoudite a déclaré, en décembre 2021, avoir réalisé un excédent budgétaire.

La diversification en marche

Les prévisions pour 2022 semblent confirmer ce que le dernier trimestre de l’année 2021 avait entamé : une croissance plus rapide et plus solide. Il faut dire que la hausse du prix du pétrole y était pour beaucoup. Une hausse qui va se maintenir en 2022, avec un prix moyen prévu entre 75 et 80$ le baril.

Les données du FMI spéculent une croissance du PIB régional de 3.8% pour 2022, avec des différences selon les pays. Aux Emirats arabes unis, l’Expo 2020 de Dubaï, qui se tient jusqu’au 31 mars 2022, saura redynamiser le secteur tertiaire et touristique en attirant près de 25 millions de visiteurs. Cet évènement, qui relie l’innovation, la technologie, l’art et la culture, a coûté la somme de 8,7 milliards de dollars, largement financée par l’État, d’où la pression sur les finances publiques. L’économie des Émirats reste la plus diversifiée de la région : y existent une variété de sources de revenus ainsi qu’une hétérogénéité des secteurs.

La diversification est également un thème clé dans les six pays du Golfe, ce qui ne peut que favoriser la croissance, notamment depuis que l’Arabie Saoudite s’est lancée dans un programme de réformes économiques et sociales appelé " Vision 2030 ". Le but de ce programme est de diversifier son économie et développer des secteurs de service tels que la santé, l’éducation, les loisirs et le tourisme. Cette tendance va s’amplifier en 2022 avec de nouveaux investissements publics et privés, à condition que le Covid ne multiplie pas ses versions létales.

Le business du foot

Au Qatar, cette nouvelle année va être importante puisque c’est là qu’aura lieu la coupe du monde de football. Pourtant, les experts sont perplexes. D’une part, certains sont pessimistes et insistent sur le fait que l’évènement sera synonyme de gaspillage : il en coûtera autour de 220 milliards de dollars, selon l’ESPN, pour construire les stades, les hôtels et diverses autres parties de l’infrastructure nécessaire. D’autres sont plutôt optimistes et sont convaincus que la coupe du monde sera une mine d’or pour le Qatar qui pourrait lui rapporter environ 20 milliards de dollars et développer des secteurs clés comme la construction, l’immobilier et l’hôtellerie. Reste que les infrastructures liées à des évènements sportifs internationaux sont à considérer sur le long terme, et il serait faux d’en calculer la rentabilité sur la période des jeux uniquement.

Somme toute, les pays du Golfe s’adaptent assez bien à l’évolution des conditions économiques mondiales. Le secteur tertiaire gagne en importance. Mais de nombreux défis subsistent, comme un taux encore élevé de dépendance vis-à-vis des revenus liés au secteur de l’énergie dans la plupart des États, et la dépendance continue à l’égard du secteur étatique pour le rétablissement à l’ère post-pandémique.

Comment en profiter

Les économies des pays du Golfe intéressent le monde entier vu leur taille et la place stratégique qu’occupent le pétrole et la situation géopolitique de ces États. Mais ces pays sont encore plus importants pour le Liban, étant considérés depuis longtemps comme son espace vital. C’est encore plus vrai aujourd’hui, à l’heure de notre crise financière abyssale, où les entreprises et les professionnels cherchent des sources alternatives de revenus. D’où ce tollé, justifié, provoqué par une suite d’événements portant atteinte aux relations bilatérales, dont tout récemment, juste pour enfoncer le clou, la énième attaque du Hezbollah contre l’Arabie Saoudite.

Suite à la dégradation des relations impactant fortement nos exportations, le tourisme, et les investissements, une épée de Damoclès est toujours présente concernant les Libanais qui sont résidents dans les pays du Golfe. Bien que les statistiques officielles soient imprécises, les estimations tournent autour de 350.000 personnes résidentes qui y travaillent. Auxquelles s’ajoutent des personnes et des entreprises qui tirent tout ou une partie de leurs revenus de sources du Golfe. Les autorités saoudiennes assurent que les résidents n’ont pas à craindre des mesures vexatoires les obligeant à partir. Il reste que des directeurs d’entreprises que nous avons sondés nous ont affirmé qu’ils ont de plus en plus de mal à recruter et obtenir des visas pour des Libanais, et pas seulement d’une communauté spécifique. Un constat regrettable, car nos compatriotes, malgré leurs réseaux de relations bien fournis, auront donc du mal à profiter pleinement de cette nouvelle éclaircie prévue pour 2022 et au-delà dans les pays du Golfe.