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Sayrafa, la plateforme de la Banque du Liban (BDL), dont le remaniement a été approuvé jeudi par le Conseil des ministres, est un pas sur le long chemin de sortie de crise. Mais, elle n’est certes pas le remède à tous les maux du pays.  Tout reste à faire pour remettre de l’ordre sur le marché de change interne et freiner les violentes fluctuations de la livre face au dollar.

La nouvelle version de la plateforme de la Banque du Liban (BDL) est liée à Bloomberg. Cette intégration fait référence à une plateforme de trading électronique, en l’occurrence Sayrafa pour le Liban, qui permet aux professionnels des marchés financiers d’accéder aux marchés des changes et de négocier des devises tout en utilisant les fonctionnalités et les données fournies par le système Bloomberg.

Bloomberg est un système informatique multifonctionnel largement utilisé dans l’industrie financière pour la gestion de données, l’analyse de marché et les informations financières "en temps réel". Et c’est à travers sa gestion des données "en temps réel" que l’identité des traders et le montant de chaque transaction seront connus et par conséquent la transparence du marché des changes interne du Liban sera assurée.

 

Théoriquement, le volume des importations du Liban qui s’élève à un milliard six-cent mille dollars par mois sera repérable sur la plateforme et constituera, s’il en faut, un quitus de bonne conduite du Liban face aux organismes internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  

Système financier mondial  

La transparence du marché des changes n’est pas l’unique avantage de l’intégration de Sayrafa à Bloomberg. Cette interconnexion permet au Liban de renouer avec le système financier mondial.

Ainsi, le taux du dollar face à la livre fixée sur la plateforme sera le taux réel et officiel à l’échelle mondiale pour le Liban. Ce qui signifie que le pays du Cèdre sera mis sur la voie d’une unification de son taux de change dollar/LL. Il n’en demeure pas moins que l’unification de ce taux contribuera tôt ou tard à régler le problème des déposants qui font les frais aujourd’hui de la multiplicité du taux de change dollar/LL. Ce qui suppose, à l’évidence, un effort conjoint et une coordination entre le gouvernement, la BDL et les banques.

Succès probable de Sayrafa

Le mécanisme de fonctionnement de Sayrafa-Bloomberg se basera sur l’offre et la demande. Celles-ci seront canalisées par les banques et les changeurs, le succès de la plateforme dépendra de la capacité de ces deux acteurs à attirer les opérateurs d’achat et de vente du billet vert puisque le gouverneur par intérim Wissam Mansouri s’est engagé à ne pas piocher dans les réserves de devises fortes de la BDL.

Intervention de la BDL

L’ancien vice-gouverneur de la BDL, Ghassan Ayache est catégorique. Il considère qu’il est quasiment impossible que la Banque centrale reste "neutre" c’est-à-dire qu’elle s’abstienne d’intervenir sur le marché de change lorsque surgissent des pics de demandes d’achat du billet vert résultant de facteurs internes ou externes ou les deux à la fois. " Sa neutralité pavera la voie à des hausses vertigineuses ou des baisses abyssales du dollar face à la livre", dit-il ajoutant, que "la BDL se verra contrainte dans de tels cas de recourir à ses réserves en devises, même dans une portion limitée vu la faiblesse de ses moyens ".

Selon lui, il faut cesser de se faire des illusions sur les moyens de Sayrafa- Bloomberg à freiner la dépréciation de la monnaie nationale. Cette dernière est liée à un déficit budgétaire, un déficit de la balance commerciale, un déficit de la balance des paiements et à un déséquilibre structurel de l’économie nationale, clair et évident pour tous.

Un avis partagé par l’expert économique et financier Jassem Ajjaka, qui estime que la plateforme remaniée de Sayrafa ne pourra pas juguler les flambées du billet vert tant que l’économie de cash est dominante dans le pays et que les frontières du pays restent poreuses. "Dans ces conditions, il est invraisemblable d’éradiquer le marché noir. Ceux qui ont de l’argent sale n’auront jamais recours à Sayrafa-Bloomberg "