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Les Libanais paient cher une électricité qu’ils n’ont pas! Un comble! Électricité du Liban (EDL) facture 0,10 cent le kWh, sachant que le prix moyen dans le monde est de 0,179 cent par kWh. Le fournisseur public fait donc payer au prix fort un service qu’il ne dispense que parcimonieusement.  

Au Liban, le prix de l’électricité était, depuis 1994, de 0.001 cent par kWh avant d’être multiplié par 100 et de passer à 0,10 cent en novembre dernier. Dans les deux cas, la population ne recevait le courant électrique qu’au compte-goutte, parce que le problème principal de l’électricité se situe au niveau de la mauvaise gestion endémique de ce secteur vital. La tarification n’est qu’un de ses aspects.

Le pays du Cèdre pouvait, avant cette hausse sensible, se targuer d’avoir le prix le plus bas du kWh au monde – ce qui n’est pas forcément une bonne chose – contre la Croatie qui a le prix le plus élevé, soit 1,226 USD par kWh. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas!

Les tarifs de l’électricité imposés à la population, qui dépend toujours, soit dit en passant, des générateurs, sont les plus élevés dans le monde arabe. Les Libanais paient ainsi le kWh 20 fois plus qu’en Syrie, 10 fois plus qu’en Égypte, le double qu’en Arabie saoudite et presque aussi cher qu’en Espagne (0,15€) ou en France (0,22€). C’est un comble vu que les centrales électriques sont quasiment à l’arrêt, ne dispensant que quelques petites heures de courant par jour et que EDL n’a de cesse de répéter qu’elle n’a pas les moyens de payer l’entretien et les réparations ni d’acheter du fuel. Comment font les autres? La réponse est simple: ils gèrent.

Hausse de la tarification en 2023

EDL avait appliqué, depuis le 1ᵉʳ novembre 2022, une nouvelle tarification supposée permettre d’accroître l’approvisionnement en courant jusqu’à 10 heures par jour. Chose que la population n’a toujours pas vue!

La grille de tarification avait été revue de nouveau à la baisse en mars, suite au tollé provoqué par des factures (sur) gonflées pour un courant pratiquement inexistant. Ainsi, le prix de la première tranche de consommation est de 10 cents par kWh pour les 100 premiers kWh et celui de la seconde tranche, soit une consommation supérieure à 100 kWh, de 26 cents par kWh. Le coût de l’abonnement est de 15,75 cents par ampère. L’abonnement de base est de 3,225 dollars ou de 8,6 dollars, selon les compteurs. À noter que les factures sont libellées en livres libanaises, au taux de la plateforme Sayrafa majoré de 20%.

Comparatif de prix

À titre comparatif, en 2023, les prix de l’électricité étaient les suivants dans quelques pays:

0,4646€ /kWh au Royaume-Uni

0,2375€ /kWh en Italie

0,2276€ /kWh en France

0,1518€ /kWh en Espagne

0,229$ /kWh en Australie

0,174$ /kWh aux USA

0,122$ /kWh au Canada

0,090$ /kWh en Jordanie

0,08$ /kWh aux Émirats arabes unis

0,072$ /kWh au Ghana

0,048$ /kWh en Arabie saoudite

0,03$ /kWh au Nigeria

0,029$ /kWh au Koweït

0,01$ /kWh en Égypte

0,005$ /kWh en Syrie

Ce puits sans fond du Liban, qu’est EDL, a coûté environ 45 milliards de dollars aux finances publiques depuis 1993, selon les chiffres de la Banque du Liban. Des chiffres qui concordent avec ceux de la Banque mondiale qui estime qu’environ 46% de la dette publique libanaise cumulée depuis 1992 (plus de 100 milliards de dollars) seraient attribués aux transferts du Trésor vers EDL. Pourtant l’électricité n’a jamais été fournie qu’avec parcimonie. Où sont donc passées ces sommes astronomiques? Sans doute dans les poches de plus d’un.

La tarification, un vol flagrant

Selon une source qui suit de près le dossier de l’électricité au Liban, la nouvelle tarification du Kwh et des abonnements constitue un vol flagrant et présente beaucoup d’infractions et de transgressions à la loi. De même source, on fait état d’une action qui va être menée d’abord auprès de EDL. Si elle reste lettre morte, le Conseil d’État sera saisi.

Les factures sont astronomiques et, surtout, illogiques, vu le nombre d’heures de courant distribuées, et les citoyens n’ont de cesse d’envoyer des plaintes, relève-t-on de même source.

Le souci premier de l’État libanais, qui a vidé le Trésor et dilapidé en même temps l’argent des Libanais, est aujourd’hui de développer ses recettes, en donnant l’impression qu’il œuvre pour régler la crise dans lequel le pays est plongé depuis 2020, sans réaliser les réformes indispensables exigées de lui.

Ce qui fait dire à un député de l’opposition que les frais de "l’électricité et d’autres services publics sont utilisés aujourd’hui comme moyens de générer des revenus sous forme d’impôt et non de service". Il estime que le fait que EDL ne soit ni privatisée ni même transformée en société, malgré l’adoption d’une loi à cet égard en 2002, l’a transformée "de service en forme de source de taxes". "Les entreprises publiques sont mal gérées et les revenus qu’elles génèrent vont au Trésor, mais ne sont pas dépensés pour l’amélioration des services. Il s’agit d’une forme typique de défaillance de l’État", s’insurge-t-il.

Il est vrai que depuis 2021, le marché de l’énergie fait face à une forte augmentation des tarifs de l’électricité et que dans de nombreux pays européens, comme l’Allemagne ou encore les Pays-Bas, les prix de l’électricité ont doublé, voire triplé, mais au Liban, ils ont été multipliés par 100 pour un service chimérique.