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Le géant français du transport maritime CMA CGM, via le groupe constitué par la société Merit et Colis Privé France, a remporté en juillet dernier l’appel d’offres lancé par le ministère des Télécoms pour succéder à LibanPost et reprendre ainsi la gestion du service postal au Liban. Or trois mois plus tard, il n’en est rien. Encore une histoire timbrée… à la libanaise.

La société française de transport maritime CMA CGM a remporté l’appel d’offres pour la gestion du secteur postal au Liban via le groupe constitué par la société Merit, holding libanaise de CMA CGM, et Colis Privé France, une autre filiale du géant du transport maritime. CMA CGM, seule compagnie à avoir présenté une offre, devrait ainsi succéder à la société LibanPost. Celle-ci gère les services postaux au Liban depuis 1998 et son contrat, renouvelé à vue depuis 2019, a pris fin le 31 mai dernier, mais elle continue d’assurer les services postaux en vertu du code de la nécessité de la pérennité du marché public. Or trois mois plus tard, la passation de pouvoir n’a pas eu lieu. Pourquoi ce retard?

Chacun, comme de coutume au pays du Cèdre, lance la pierre à l’autre. Toutefois, selon une source bien informée, il semblerait qu’un proche du président du Parlement, Nabih Berry, voudrait s’emparer du secteur postal, d’où le retard dans l’adjudication officielle au groupe CMACGM, et donc la signature du contrat.

Une offre validée et contestée

Des sources proches de CMA CGM ont assuré à Ici Beyrouth que, pour leur part, tout est prêt et en règle. "Le problème est au niveau de l’État. La commission a validé l’offre que nous avons présentée, de même que l’Autorité des marchés publics. L’offre a ensuite été envoyée au ministre des Télécoms, au Cabinet, puis à la Cour des comptes. Or cette dernière a jugé dans ses commentaires qu’il fallait donner plus de temps pour que les offres soient préparées. Toujours est-il que personne n’a retiré le cahier de charges lors du 3ᵉ appel d’offre, mis à part Merit-Colis Privé France", ont affirmé ces sources avant de juger cela contradictoire.

Ce qui est certain, c’est que les autorités ont dépassé tous les délais impartis par la loi pour l’attribution d’un marché public.

Le président de l’Autorité des marchés publics, Jean Ellieh, nuance ces propos à Ici Beyrouth en précisant que l’Autorité des marchés publics a rendu un rapport descriptif dans lequel toutes les étapes depuis fin 2022 ont été prises en considération et abouti à un seul soumissionnaire. "Les délais de retrait du cahier de charges et de la présentation de l’offre ont été respectés comme le stipule l’article 12 du code du marché public, même si certains ont argué que le temps de préparation n’était pas suffisant. Le délai minimum est de 3 mois, or 5 ont été accordés", explique M.Ellieh.

Avant d’ajouter que l’autre point principal objecté est la présence d’un seul soumissionnaire et l’absence de concurrence. Il souligne que l’offre elle-même n’est pas contestée.

De son côté, le ministre sortant des Télécommunications, Johnny Corm, explique à Ici Beyrouth que le problème est plus compliqué que la présence d’un seul soumissionnaire, dévoilant que la cour des comptes a contesté 7 points. "J’ai répondu dans une note en justifiant les 7 points et j’ai demandé une révision de leur rapport. J’attends la réponse finale de cette Autorité. Si elle est positive, la procédure de signature de contrat avec Merit-Colis Privé sera engagée, en revanche, si elle est négative, je prendrai les mesures nécessaires", détaille-t-il.

Rappelons que, lorsque Merit-Colis Privé avait remporté l’appel d’offres, M. Corm avait indiqué qu’une fois étudiée et approuvée par son ministère, l’offre serait transférée à l’Autorité des marchés publics puis publiée sur le site de ladite Autorité pendant dix jours, au cours desquels elle pourrait être contestée. Si aucune objection n’était enregistrée, avait-il précisé, le contrat serait alors signé entre le ministère des Télécoms et Merit-Colis Privé France, et LibanPost remettrait directement le secteur au successeur.

Il convient de rappeler dans ce cadre que Merit-Colis Privé France avait déjà remporté le 30 mars dernier l’appel d’offres lancé par le ministère des Télécoms pour succéder à LibanPost. Néanmoins, à cause de vices de forme dans le cahier des charges, le ministre des Télécoms avait annulé l’adjudication pour corriger le document et relancer la procédure le 7 juin dernier.

Les employés de Liban Post estiment, pour leur part, qu’ils paient les pots cassés puisque Mérit-Colis Privé devait, en vertu du contrat, reprendre au moins 70% des employés de la société Liban Post. Ces derniers se retrouvent, de ce fait, dans l’expectative.