La réforme des marchés publics a été solennellement lancée aujourd’hui jeudi au Grand Sérail par le Premier ministre Najib Mikati. Elle a pour ambition d’uniformiser les procédures, de créer une autorité de tutelle indépendante, et théoriquement rendre toute fraude, sinon impossible, du moins improbable.

Le lancement de la ‘Stratégie nationale de réforme des marchés publics’ aujourd’hui s’inscrit dans le cadre des aspirations réformatrices du gouvernement, qui ont été énoncées dans la Déclaration ministérielle, a annoncé le Premier ministre Nagib Mikati, lors de la cérémonie organisée à cette fin au Sérail.

Cette annonce publique intervient plusieurs mois après l’adoption du nouveau Code des marchés publics par le Parlement.  "Ces aspirations sont nées d’abord de notre propre volonté et de la volonté de la société libanaise pour la réforme, puis des recommandations de la communauté internationale", a-t-il poursuivi avant d’ajouter: "La réforme des marchés publics fait partie intégrante de l’ensemble des réformes financières fondamentales nécessaires pour parvenir à la discipline et à la gouvernance financières, lutter contre la corruption et améliorer la compétitivité."

En effet, il s’agit de l’une des réformes clés requises par le Fonds monétaire international, les recommandations du Groupe international de soutien au Liban, l’initiative française, et la conférence CEDRE. Elle est supposée être conforme aux normes internationales en la matière, et répondre aux exigences de la société civile et du secteur privé.

Le Premier ministre a assuré que le gouvernement agira rapidement pour accomplir les démarches nécessaires à la publication des décrets d’application qui dynamiseront le travail des deux nouveaux organes créés par cette loi, à savoir : l’Autorité de régulation des marchés publics et l’Autorité de recours. Il s’agira parallèlement d’assurer une formation des cadres humains et de mettre en place les cahiers de charges modèles en vue d’une transparence optimale dans le processus des marchés publics. M. Mikati a espéré que cette réforme soit actée à l’écart des conflits politiques, car tout retard dans la mise en œuvre de ces mesures sera vu comme un indicateur négatif pour la crédibilité du gouvernement.

En quoi consiste cette réforme ?

Lancée et largement préparée par l’Institut des finances Basil Fleihan, cette réforme a bénéficié d’une large concertation publique et d’une évaluation réalisée par l’Agence française de développement, la Banque mondiale et le programme Sigma de l’OCDE. Selon les travaux initiés dans le cadre de MAPS II (Methodology for Assessing Procurement Systems), l’outil prévu à cet effet, le Liban ne répondait qu’à 11 des 210 critères retenus pour la passation des marchés publics. Le montant des fraudes est estimé à 500 millions de dollars par an.

La loi contient 116 articles dont des mesures précises concernant les possibles infractions telles que le népotisme ou le conflit d’intérêts. A titre informatif, les trois premiers articles contiennent quelque 47 définitions, chose inédite dans la législation libanaise et qui explique que la préparation ait été aussi longue.

La loi établit aussi des mesures nouvelles et primordiales comme l’alternative d’arrêter une procédure avant la ratification du contrat en cas de délit. Pour s’assurer du suivi des procédures instituées par la loi, des organes devront mis en place, dont les 2 autorités susmentionnées et la plateforme électronique e-procurement où seront mises en ligne toutes les données concernant les marchés publics. L’attribution et l’exécution des marchés publics seront plus concises. Les chantiers seront étudiés d’une façon plus professionnelle et plus rentable pour l’État, pour les entreprises et pour les citoyens.

Techniquement, la réforme intègre les marchés publics au cycle de gestion des finances publiques et prône une budgétisation pluriannuelle qui offre une visibilité des flux financiers et optimise les ressources.

Mais, comme on a pu le constater, le chemin est encore long, car il faudrait d’abord constituer les autorités susmentionnées, avec tous les bras de fer politiques qu’on peut imaginer pour une entreprise de cette envergure. A ce propos, on a déjà reproché au gouvernement d’avoir écarté le président de la Direction des adjudications (DDA), Jean Ellieh, connu pour sa probité.  Parallèlement, le gouvernement devra préparer et publier un certain nombre de décrets d’application, et mettre en place la plateforme électronique prévue par la loi. Un grand chantier qui n’a pas encore connu un début d’exécution.

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