Le rapport annuel de l’Inspection centrale révèle, documents à l’appui, des violations flagrantes de la loi au sein du ministère de l’Énergie et de l’Eau.

L’enquête sur laquelle se base le rapport et qui a été reprise par notre confrère Houna Loubnan, porte sur la période allant de 2020 à 2023, englobant ainsi le mandat de l’ancienne ministre de l’Énergie et de l’Eau, Nada Boustany (2019), ainsi que celui de son successeur, le ministre actuel Walid Fayad.

Elle se concentre particulièrement sur le mandat de Fayad. Selon les informations relayées par Houna Loubnan, le ministère aurait effectué des dépenses à partir du compte des installations pétrolières libanaises, en violation des lois financières en vigueur, pour "gérer des intérêts privés".

Selon l’enquête, le mécanisme de dépense des fonds publics dans les installations pétrolières s’effectue "sans contrôle des comptes ni budget annuel", et le compte privé des installations, ouvert à la Banque du Liban (BDL), est "à la disposition du ministre de l’Énergie et du directeur général du Pétrole".

L’enquête porte sur les factures réglées par les installations pétrolières libanaises au ministère de l’Énergie. Cela inclut les factures de carburant destiné à alimenter les générateurs utilisés dans les locaux du ministère, les dépenses liées à la maintenance et à l’entretien des machines appartenant au ministre et à ses conseillers, ainsi que les frais de déplacement du ministre et de son équipe. De plus, elle met en lumière l’allocation de carburant mensuelle pour le ministre, estimée à 16 bidons d’essence.

En 2022, selon les conclusions de l’enquête, les installations de Tripoli auraient déboursé 162 millions de livres libanaises et environ 34.000 dollars à cette fin. De même, les installations d’Al-Zahrani auraient effectué des paiements de l’ordre de 128 millions de livres et 108 000 dollars.

Au début de l’année 2023, les installations de Tripoli auraient versé 55 millions de livres et 1.897 dollars, tandis que celles d’Al-Zahrani ont déboursé 38.000 dollars.

Selon le rapport de l’Inspection centrale, les gestionnaires des installations pétrolières et le bureau de Beyrouth ont effectué ces paiements à la demande du ministre et de la directrice générale du Pétrole (Aurore Feghali, avant sa retraite et actuellement poursuivie dans une affaire de corruption). Ces transactions ont été réalisées à partir des comptes de ces structures, conformément aux instructions dûment signées par le ministre. Le rapport souligne que cela s’est fait sans être encadré par "un mécanisme ou un principe juridique déterminant la manière dont la partie bénéficiaire est choisie".

L’enquête révèle également qu’une partie des crédits budgétaires destinés à couvrir les dépenses du ministère de l’Énergie n’a pas été utilisée. Les installations d’Al-Zahrani et de Tripoli ont ainsi été contraintes de régler des factures qui auraient dû être couvertes par ces fonds budgétaires alloués au ministère. Cela suggère que "le ministre s’est abstenu de dépenser conformément au budget, optant plutôt pour une voie contraire aux règles établies".

En ce qui concerne la perte de quantités de carburant de la centrale d’Al-Zahrani, le rapport indique que le ministre a soumis à l’Inspection centrale le rapport de LIIC, la société d’audit chargée par le ministère de mener une étude approfondie des réserves pétrolières. Cependant, il s’est avéré que ce rapport avait été rédigé sur la base de documents et de rapports fournis par l’installation pétrolière elle-même. La société d’audit n’avait donc pas effectué d’investigations sur le terrain. Elle a simplement repris les informations fournies par les techniciens et les administrateurs de la centrale, selon lesquelles certains produits manquants étaient en réalité un mélange de plusieurs types de carburants ou des déchets collectés dans le réservoir n° 803, composés de quantités d’essence et de diesel.

L’enquête a établi la responsabilité directe du ministre de l’Énergie et de l’ancienne directrice générale du pétrole, Aurore Feghali, en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics en violation des procédures légales. Les infractions constatées, selon les conclusions de l’enquête, justifient le renvoi du dossier à la Cour des comptes, au Parquet, et au Parquet financier, en vue de la conduite d’une enquête judiciaire.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que Mme Feghali avait été arrêtée en mai 2020, dans le cadre de l’enquête sur un scandale lié à l’importation de fuel défectueux pour le compte des centrales électriques d’EDL. Plusieurs autres personnes, dont de hauts responsables du ministère, ont été arrêtées dans le cadre de cette enquête, menée à la suite d’une alerte d’EDL. L’affaire a cependant connu de nombreux rebondissements, notamment en raison d’interférences politiques.

L’Inspection centrale aurait recommandé au parquet financier de transmettre les résultats et les données disponibles concernant la perte de quantités de carburant. De plus, elle aurait suggéré de demander au ministère de l’Énergie d’établir un budget spécifique pour les installations pétrolières et de confier à une société d’audit spécialisée l’étude des réserves pétrolières.

Rappelons dans ce cadre que Fayad a été épinglé dans d’autres affaires de de violations des lois en vigueur, comme le mettent en lumière notamment les récents rapports de l’Autorité des marchés publics.