Les négociateurs libanais ont commencé lundi une série de réunions, en visioconférence, avec les experts du Fonds monétaire international (FMI) autour du plan gouvernemental de sortie de crise. Ce premier cycle va s’étendre sur deux semaines afin de poser les fondements des engagements respectifs. D’autres cycles suivront.

Le Liban a sollicité officiellement le FMI afin d’obtenir une assistance financière, primordiale pour le redressement du pays, mais celle-ci est conditionnée par des réformes que le pays doit mener et que les dirigeants bloquent toujours.

Pour mener ces négociations, nous avons du côté du FMI, Ernesto Ramirez-Rigo, chef de mission de l’organisation au Liban et Athanasios Thanos Arvanitis, vice-directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale. Le directeur de ce département, Jihad Azour, ne pourra pas y participer, étant libanais lui-même. Du côté libanais, l’équipe des négociateurs est menée par le vice-Premier ministre et ancien du FMI, Saadé Chami, et comporte le ministre des Finances et ancien cadre de la Banque du Liban (BDL), Youssef Khalil, le ministre de l’Économie et du Commerce, Amine Salam, le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, ainsi que, officieusement, deux conseillers du président de la République, Charbel Cordahi et Rafic Haddad.

69 milliards de dollars de pertes

Les responsables libanais ont convenu d’évaluer les pertes du secteur financier à 69 milliards de dollars comme base de négociation avec le FMI. Pour le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, le Liban aurait besoin "de 12 à 15 milliards de dollars pour relancer son économie".

Jusqu’à présent, aucun autre détail n’a filtré du plan de redressement du gouvernement. Le chiffre de 69 milliards doit être discuté pour voir comment le FMI pourrait aider à régler cette perte. Selon un économiste, le FMI ne va certainement pas couvrir cette perte, même en y ajoutant d’aides éventuelles de pays amis. Les montants espérés tournent autour de 5 ou 6 milliards de dollars, auxquels d’autres organismes et pays ajouteraient des contributions au cas par cas. On considère en général que l’accord avec le FMI ouvre la voie car il suppose qu’un plan gouvernemental fiable et solide a été mis en place. Les engagements de la conférence CEDRE pourront être remis sur le tapis à cette occasion.

On le sait et on ne le répétera jamais assez, le FMI n’est pas une association caritative. Il doit étudier le plan de sauvetage du gouvernement et doit savoir comment le Liban peut rembourser un éventuel prêt. Mis à part le côté strictement pécunier, le FMI va apporter son aide technique pour évaluer le plan gouvernemental, l’améliorer, peaufiner les mesures proposées au besoin, y compris la façon de répartir les pertes de ce trou financier. M. Chami avait déclaré qu’elles seraient réparties entre l’Etat libanais, le secteur bancaire (central et commercial) ainsi que les déposants, chacun supportant en gros un tiers. C’est une hypothèse et reste au FMI de voir si elle est fiable.

Cet organisme international n’impose pas ses vues et n’a pas une formule unique, mais propose des idées pour aider à réaliser l’objectif de sortie de crise, conditionné par des mesures évidentes que le gouvernement doit prendre, telles que la lutte contre la corruption, la gouvernance, régler le problème de l’EDL qui pompe les finances de l’État, en proposant une solution définitive au problème que pose son déficit. Mais il ne se contente pas de promesses, comme les dirigeants libanais ont l’habitude de fournir à chaque conférence internationale. Le déboursement de l’aide se ferait pour accompagner des initiatives effectivement réalisées. Le gouvernement devra donc légiférer et appliquer les nouvelles lois et plans d’action, sinon les négociations avec le FMI ne vont pas aboutir.

Lundi, Saadé Chami avait expliqué que les principaux points qui seront discutés comprennent le budget, le secteur bancaire, le taux de change, la balance des paiements, le secteur de l’énergie (surtout l’électricité), la gouvernance, et le filet d’assistance sociale. Tous ces chapitres sont supposés faire partie du plan gouvernemental de sortie de crise.

M. Chami avait espéré que les négociations se termineront au plus vite parce qu’après l’approbation du Conseil des ministres, le gouvernement signera avec le FMI un accord de principe. Ensuite, la délégation du FMI effectuera un rapport au comité directeur afin qu’un accord définitif prêt à être exécuté soit donné. Du côté libanais, le Parlement devra aussi avaliser le projet d’accord, alors que le Hezbollah a déjà des réserves. Au vu de l’ordre de jour aussi chargé, aucun des négociateurs ne s’est hasardé jusqu’à maintenant à prévoir un calendrier précis, juste des espoirs "qu’un accord puisse être trouvé avant les élections législatives," selon le Premier ministre Najib Mikati.