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Le Liban représente l’environnement adéquat pour le développement d’une économie informelle, connue sous diverses appellations, telle l’économie souterraine ou non déclarée. 

Par définition, l’économie informelle se réfère à un pan de l’économie qui échappe à la réglementation et à la surveillance gouvernementale, c’est-à-dire une économie clandestine, une économie hors la loi.

Celle-ci est florissante au Liban, et ce, pour plus d’une raison. Le pays du Cèdre a des frontières maritimes et terrestres poreuses. Une partie de son territoire est en guerre alors que l’autre est en proie à une crise multidimensionnelle, dans le cadre de laquelle les pouvoirs exécutif et législatif sont aux abonnés absents.

L’économie informelle au Liban a représenté 60% du PIB en 2019, pour reculer d’une manière drastique à 15% en 2020 et rebondir à 60% en 2023, indique Ziad Bekdache, vice-président de l’Association des industriels du Liban (AIL), à Ici Beyrouth.

Selon lui, la baisse du taux de l’économie informelle en 2020 serait liée à la dévaluation de la monnaie nationale et, par conséquent, à la baisse de la charge fiscale sur les individus ainsi que sur les entreprises. À cette époque, le calcul de la charge fiscale s’effectuait sur base d’un dollar à 1.507,5 livres.

À partir de 2023, les taxes et les impôts ont commencé d’être comptabilisés sur base du taux de change réel du dollar face à la livre. Ainsi, la charge fiscale est revenue à son niveau d’avant 2019, entraînant un rebond de la part de l’économie souterraine, qui a dépassé les 60%.

La création d’emploi

Pour de nombreux Libanais, l’économie souterraine fait partie de leur vie au quotidien. Ils ne trouveraient même rien à y redire. Or, ce n’est pas aussi simple que ça ne le paraît.

Les entreprises industrielles et commerciales du secteur privé, créateurs d’emplois, sont les premiers acteurs économiques à faire les frais de ce phénomène.

A priori, elles subissent de plein fouet la concurrence déloyale des entreprises non déclarées, un état de fait qui les conduirait à réfléchir, à se déplacer vers l’économie non déclarée et par conséquent à supprimer des emplois.

"Les industriels pourraient également envisager de geler ou de réduire leurs investissements lorsque leurs produits de consommation sont exportés à un prix inférieur à leur prix de revient", relève Ziad Bekdache.

Certificats d’origine

Selon le vice-président de l’AIL, une économie formelle nécessite la mise en œuvre graduelle d’une série de mesures, dont notamment celles d’accorder aux entreprises légales du secteur privé des incitations financières et d’implanter, par ailleurs, un système douanier moderne.

Ce système devrait fonctionner comme un levier de l’économie formelle dans la mesure où il exigerait des déclarations d’origine sur la facture originale et appliquerait la théorie des avantages comparatifs.

Dans le même contexte, Ziad Bekdache préconise l’imposition de la TVA sur toutes matières premières sans aucune exception.

Réformer par le haut

Pour la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), les raisons de la floraison du marché informel sont principalement liées aux charges fiscales et sociales, mais également à la qualité des institutions et à la taille de l’économie.

Les indicateurs retenus par la BM pour décrire l’état délétère des institutions étatiques au Liban sont parlants à cet égard. Il est clair que la réforme devrait se faire par le haut.

Dans son rapport, établi pour 215 pays, portant sur les indicateurs de bonne gouvernance et de bonne gestion, la BM a constaté que: 89,5% des gouvernements des pays figurant dans l’échantillon sont plus efficients que les gouvernements successifs au Liban; 87% d’entre eux contrôlent mieux la corruption; 92% bénéficient d’une stabilité politique; et 86,5% sont dotés de lois qui encouragent le secteur privé et les appliquent mieux que le Liban.