Une offre qatarie pour la construction de centrales de production de l’électricité fonctionnant à l’énergie renouvelable fait des étincelles au Liban, notamment entre les deux ministères de l’Économie et de l’Énergie.

Les deux ministres sortants de l’Économie, Amine Salam, et de l’Énergie, Walid Fayad, ont procédé jeudi à un échange à fleurets mouchetés, dans le cadre de deux conférences de presse qu’ils ont tenues séparément à deux heures et demie d’intervalle, afin que chacun donne sa version des faits. Les deux se sont tirés dans les pattes, chacun voulant s’attribuer la gloire d’avoir attiré un tel projet au Liban, tout en donnant des informations contradictoires sur l’offre qatarie. Pour Amine Salam, la construction des centrales "ne coûtera pas un sou au Liban". "Elle n’est pas du tout gratuite", réplique Walid Fayad. Le ministre sortant de l’Économie fait état de trois centrales et son collègue de l’Énergie d’une seule.

Le Libanais, lui, reste dans le noir, à cause d’un projet rendu flou à la faveur de cette controverse naissante. Il n’y a "rien de déterminé", a confié M. Fayad à Ici Beyrouth, ajoutant qu’il souhaite que "le projet se concrétise au plus vite pour fournir davantage d’électricité" aux Libanais.

Le ministre a indiqué que le Liban est redevable au Qatar et à Total Energy pour l’avoir soutenu à travers "une offre d’investissement unique qui consiste en une centrale électrique fonctionnant à l’énergie solaire". "Nous parlons d’une centrale électrique, et non de trois cents mégawatts, et cela consiste en un contrat de partenariat entre le secteur public et le secteur privé à travers un engagement à long terme et non un cadeau comme certains le prétendent", a-t-il précisé.

Et M. Fayad d’ajouter que "la proposition d’établir une usine pour produire de l’électricité à partir de l’énergie solaire n’est pas un cadeau et son coût n’est pas “zéro” comme le prétend la rumeur", notant que, de plus, "il faudra choisir le terrain où l’installer".

Il a donné ces détails lors de la conférence de presse consacrée à la création de cette centrale à l’énergie solaire proposée par le Qatar, durant laquelle il a aussi répondu à son collègue de l’Économie.

M. Fayad a ainsi souhaité que "personne ne se livre à des surenchères", soulignant qu’il est "très intéressé par l’augmentation de l’approvisionnement en électricité, notamment grâce à l’énergie solaire".

Deux heures plus tôt, lors de sa conférence de presse, Amine Salam a affirmé qu’il "n’est engagé dans un duel avec personne", mais qu’il est de son devoir, en tant que ministre de l’Économie, d’aborder ce dossier et qu’il a "le droit de parler en premier du secteur de l’énergie et de tout secteur qui touche les Libanais et l’économie libanaise, négativement ou positivement". "Malheureusement, les choses sont dans la plupart des cas négatives. Au premier rang de celles-ci, se trouve la question énergétique qui plombe aujourd’hui 30 ou 40% de l’économie libanaise", a dit M.Salam.

Il a rappelé que le 22 octobre 2023, il s’était rendu au Qatar avec une délégation économique, précisant que le contrat, signé en janvier, prévoyait la création de centrales". "Une lettre a été envoyée ultérieurement par Doha à Beyrouth, pour faire état d’un projet de construction de trois centrales à énergie solaire avec une capacité de 150 mégawatts et ne nécessitant que des terrains de la part de l’État libanais".

Selon lui, "l’offre est sérieuse parce que les dirigeants qataris veulent aider le Liban". "Nous devions répondre et donner les détails techniques, or cela ne fait pas partie de mon travail. Nous ne devons pas gaspiller l’opportunité offerte par le Qatar", a-t-il averti.

Il a ajouté que cette offre doit être "placée dans son cadre d’investissement pour une période de 25 ans, ce qui signifie que le Qatar fournit le matériel, construit la centrale et l’exploite sans que le Liban paie un seul centime, c’est-à-dire que le coût est nul jusqu’au lancement du projet".

"Depuis un an et demi, nous travaillons pour concrétiser cette opportunité, mais certains ne font qu’évoquer une loi et des décrets. Cela signifie que ce sont les mêmes parties qui font obstacle à la réalisation de ce projet (…). Ce qui m’importe, c’est que le projet passe par le Conseil des ministres pour que les centrales, d’une capacité de 150 mégawatts chacune, puissent être construites en quelques semaines ou mois".

Il a estimé que le Liban aurait dû, dès la signature du contrat, se mettre à la recherche des terrains appropriés et répondre positivement à Doha, ce qu’il n’a pas fait.

Dans une interview qu’il avait accordée il y a quelques jours à une chaîne panarabe, le ministre avait été plus véhément, affirmant que le gouvernement libanais "avait répondu sept mois plus tard à Doha pour l’informer qu’il avait nommé un "contact point" (un interlocuteur) pour un suivi qui n’a pas eu lieu".

Il a cependant dédouané Walid Fayad, accusant les parties politiques et "les mafias des propriétaires de générateurs et du carburant de bloquer ce projet", les premiers, selon lui, pour des raisons liées au clientélisme et les seconds, pour des questions d’intérêts privés.

Il est notamment tombé sur "la mafia des générateurs" qui dispose, selon ses chiffres, de 7.200 générateurs au Liban, "à l’origine d’une pollution terrible".

"Les mafias sont toutes préoccupées par le désordre ", a avancé M. Salam, stigmatisant aussi le fait que les Libanais paient le prix le plus élevé au monde pour l’électricité.