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Le coût des soins médicaux connaît une forte inflation. De grands assureurs privés sur le marché libanais, contactés par Ici Beyrouth, ont indiqué que leurs primes d’assurance maladie seront augmentées, à partir du 1er juillet, d’environ 10% par rapport à leur niveau actuel.

La décision d’augmenter les primes d’assurance maladie intervient dans un marché en déclin depuis plusieurs années, miné par l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs et une concurrence acharnée entre les acteurs, souvent au détriment de leurs marges bénéficiaires. Pour aggraver la situation, la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), autrefois fleuron public de la gestion des prestations sociales de l’État, est en plein effritement.

Réunion infructueuse

La hausse des primes d’assurance maladie et le non-paiement par la CNSS de ses dus aux tiers payants ont été au centre des débats de la réunion d’urgence à laquelle a convoqué mercredi dernier le ministre sortant de l’Économie, Amine Salam, ministre de tutelle des compagnies d’assurance privées. Une réunion qui a regroupé notamment des représentants de l’Association des compagnies d’assurance au Liban (Acal), de l’Ordre des médecins et du Syndicat des propriétaires d’hôpitaux privés. Comme on s’y attendait, aucune recommandation ni décision concrète n’a été prise à l’issue de cette réunion.

Inflation par les coûts

Interrogés par Ici Beyrouth, des assureurs ont expliqué que l’augmentation des primes d’assurance maladie est motivée par l’inflation des coûts. Ils ont particulièrement mentionné la hausse des honoraires des médecins, conséquence d’un accord signé en mai 2023 entre l’Acal et l’Ordre des médecins, prévoyant une augmentation graduelle des honoraires des médecins jusqu’en mai 2024. Ainsi, les tarifs, qui variaient auparavant de 35 à 45 dollars, oscillent désormais de 70 à 100 dollars.

Ensuite, ils ont évoqué la réduction drastique des subventions de l’État aux soins médicaux et aux médicaments, laissant aux assureurs privés la charge entière des coûts financiers. Par exemple, chaque séance de chimiothérapie pour les patients atteints de cancer coûte entre 5.000 et 7.000 dollars, tandis qu’une injection spécifique peut coûter près de 22.000 dollars.

Dans la foulée, ils ont pointé un doigt accusateur vers les importateurs d’équipements médicaux et de prothèses, les appelant à stabiliser leurs prix afin de leur permettre d’y aligner leurs primes.

De son côté, le ministre sortant de l’Économie Amine Salam a critiqué l’avidité de certains importateurs d’équipements médicaux, déplorant que leurs marges bénéficiaires atteignent de 50% à 70%. "Ces profits se retrouvent ensuite dans les factures hospitalières, celles des patients, et finalement dans celles des assureurs", a-t-il relevé.

Rationaliser les actes médicaux  

Les assureurs interrogés ont également dénoncé les abus des hôpitaux et des médecins traitants qui prescrivent de manière excessive des examens médicaux et prolongent injustement les séjours hospitaliers.

En réponse à une question, un médecin franco-libanais, exerçant à Beyrouth et dans le sud de la France, a estimé sous anonymat que l’État doit établir les bases d’une politique de santé permettant de rationaliser les actes médicaux sans pour autant les standardiser. Il a toutefois reconnu qu’il est difficile de concilier efficacité et efficience dans la pratique.

Un taux d’inflation de 23%

Une étude actuarielle, citée par plusieurs assureurs, a révélé un taux d’inflation de 23% des coûts des actes et des soins médicaux de 2023 à 2024, sans tenir compte des abus médicaux. Ainsi, l’augmentation de 10% des primes d’assurance maladie reste inférieure au taux d’inflation réel, selon les professionnels du secteur.

Si cette majoration est justifiée selon les assureurs, elle porte un coup dur aux familles dont le budget est nécessairement remis en question. D’après les chiffres du ministère de l’Économie, 500.000 Libanais et non Libanais résidents sont détenteurs d’une police d’assurance maladie privée.