Les Libanais sont désormais habitués à voir ressurgir chaque quelque temps la menace d'un black-out total, souvent accompagnée de celle de l'arrêt des installations publiques vitales. Cette situation a été évitée de justesse jeudi grâce à l'intervention du Premier ministre irakien, qui a autorisé le déchargement du fuel avant que le Liban ne paie les montants dus. Le rationnement «normal» sera rétabli dans les vingt-quatre heures. Explications.
Chaque quelques temps, et surtout en été lorsque la consommation en énergie connaît son pic, la fameuse menace du black-out total refait surface. Cette situation a été évitée de justesse, jeudi, après une intervention du Premier ministre irakien, autorisant le déchargement du fuel avant que le Liban ne paie les montants dus. Mais que se passe-t-il vraiment? Ce qui est certain, c’est que les Libanais n’ont toujours pas d’électricité via le fournisseur public et sont obligés de recourir aux générateurs ou aux systèmes à énergie solaire.
Dans les faits, le Premier ministre irakien, Mohammad al-Soudani, a autorisé l'approvisionnement du Liban en fuel, jeudi, avant le décaissement des fonds par la Banque du Liban afin d’éviter un black-out total. Ainsi, le gasoil a été livré aux centrales de Zahrani et de Deir Ammar. Cette décision ferait suite à plusieurs contacts effectués pour régler la crise du paiement du carburant et épargner au Liban l'obscurité totale.
Contactée par Ici Beyrouth, la direction d'Électricité du Liban (EDL) a affirmé avoir reçu le feu vert pour que les bateaux soient déchargés, précisant que Deir Ammar sera la première centrale à être approvisionnée. Le processus de vidange nécessite au moins vingt-quante heures. Par ailleurs, il faut également tenir compte de l’état de la mer; si les vagues sont trop fortes ou si la mer est trop agitée, le cargo ne pourra pas décharger le gasoil.
EDL a, en effet, été contraint depuis le 6 juillet de mettre hors service un groupe de production de l’usine de Zahrani et d’arrêter complètement celle de Deir Ammar pour préserver son stock. Ces mesures ont permis d’assurer environ quatre jours supplémentaires de courant, jusqu’à jeudi. Ces groupes seront remis en service une fois que la cargaison sera déchargée, rétablissant ainsi l’approvisionnement.
Il convient de rappeler, dans ce cadre, qu’EDL a annoncé, lundi, la mise en œuvre de mesures préventives jusqu’à la réception de la cargaison de la seconde partie de gasoil qui lui est allouée pour le mois de juin 2024, afin d’éviter un black-out. Dans un communiqué, le fournisseur public avait expliqué qu’il a dû recourir à des mesures préventives pour prolonger autant que possible la période de production d’énergie pour les citoyens et maintenir une alimentation électrique continue, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour les installations vitales telles que l’aéroport, le port, les pompes à eau et les égouts.
Renvoi de balles entre l’Énergie et la BDL
Pour le fournisseur public, le retard dans la livraison est imputable à un atermoiement dans le décaissement des fonds par la Banque du Liban (BDL) au profit d’EDL, ce qui l'empêche de payer le gasoil nécessaire. Le ministère de l’Énergie a accusé la BDL qui, à son tour, a renvoyé la balle à l’Énergie, assurant qu’il n’y a pas de fonds disponibles pour l'EDL.
Ainsi, le premier vice-gouverneur de la Banque du Liban, Wassim Mansouri, assure qu'«EDL, tout comme le ministère de l’Énergie, pourrait obtenir l'intégralité des fonds auprès de la Banque centrale, mais ni l'un ni l'autre ne dispose des fonds nécessaires pour acheter du pétrole irakien». Dans une interview accordée à la chaîne de télévision Al-Jadeed, M. Mansouri a soulevé un autre problème: le contrat avec la partie irakienne pour l'importation de pétrole brut a pris fin il y a longtemps. Il estime que ce qui se fait aujourd'hui, c'est-à-dire emprunter à l'Irak pour importer du pétrole brut ne repose sur aucune base légale. Il a rappelé qu’aucun ministre ne peut emprunter sans une loi émise par le Parlement. Il a en outre ajouté que le budget pour l’exercice 2024 ne comporte pas de montant alloué au pétrole irakien demandé par le ministre de l'Énergie.
De son côté, le ministre sortant de l’Énergie, Walid Fayad, a assuré à ici Beyrouth, que «le contrat de l’Irak est financé en services et non pas en espèces, et s’effectue par le biais de virements mensuels via le compte du trésor public dépendant du ministère des Finances (et non pas celui d'EDL) sur le compte des Irakiens à la BDL. Or l’institution financière n’a pas effectué ces virements depuis le début de l’année, parce qu’elle est associée à l’exécution du contrat, lequel a besoin d’être couvert par une loi votée au Parlement. Le projet de loi a été envoyé par le Conseil des ministres au Parlement le 17 janvier 2023, mais n’a toujours pas été approuvé».
M. Fayad a également tenu à préciser que le compte d'EDL compte actuellement 80 millions de dollars, soulignant que que tout retard dans l'encaissement des factures d'électricité est attribuable au fait que «le gouverneur par intérim n'a pas encore fixé le taux de change sur lequel les factures doivent être basées. Par conséquent, EDL n'a pas été en mesure d'émettre ces factures et donc l'argent correspondant n'a pas été collecté».
Dans le même contexte, rappelons que la production d’électricité au Liban repose actuellement sur les centrales de Zahrani et Deir Ammar, celles de Jiyeh et de Zouk nécessitant des travaux de maintenance. Zahrani et Deir Ammar reçoivent mensuellement du gasoil fourni à EDL par le ministère de l’Énergie, en vertu de l’accord d’échange conclu entre l’Irak et le Liban le 23 juillet 2021. Cet accord, entré en vigueur en septembre 2021, prévoit que l’Irak fournisse du carburant aux centrales électriques libanaises à des conditions avantageuses, avec une quantité fixée à 100.000 tonnes par mois. Toutefois, en raison de la teneur élevée en soufre du carburant irakien, qui ne peut être directement utilisé dans les centrales libanaises, le Liban achète un type de carburant compatible auprès d’autres fournisseurs sélectionnés par appel d’offres. En échange, ces fournisseurs reçoivent le carburant irakien.
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