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Le ministère des Finances a demandé à l’Association des banques au Liban (ABL) de notifier ses membres afin de lui fournir la liste de leurs clients, personnes physiques ou morales (nom, adresse et numéro d’immatriculation fiscale) ayant remboursé leurs dettes en dollars bancaires ou lollars.

Cette demande se fonde sur les dispositions de la loi sur les procédures fiscales et vise à imposer les bénéfices exceptionnels réalisés dans des circonstances exceptionnelles.

Dans son dernier rapport sur le Liban, le Fonds monétaire international (FMI) a estimé "les bénéfices exceptionnels" réalisés, jusqu’à fin 2021, à 15 milliards de dollars, sachant, par ailleurs, qu’environ 32 milliards de dollars de prêts bancaires ont été remboursés par anticipation, en lollars, d’octobre 2019 à fin 2021.

Dans ce contexte, on note que les profits réalisés respectaient la loi en vigueur à l’époque et étaient légitimes. Aujourd’hui, il est simplement question de les soumettre à l’impôt. Les revenus ainsi générés seraient destinés à financer le Fonds de récupération des dépôts bancaires, actuellement en examen au sein des commissions parlementaires.

Le chaos qui a marqué le paysage financier au début de la crise a avantagé les emprunteurs au détriment des déposants. Le FMI a souligné ce phénomène et a recommandé une redistribution de la richesse entre ces deux groupes.

Des bénéficiaires et des perdants  

Au début de la crise, les acteurs économiques ignoraient comment gérer ses multiples retombées. En effet, elle avait pris tout le monde de court. Un grand nombre d’emprunteurs auprès des banques ont remboursé leurs crédits libellés en dollars par des chèques en lollars, c’est-à-dire des billets verts non liquides. Cela a réduit davantage la masse de billets verts en espèces détenus par les banques, qui représentaient en fait les dépôts des clients. Ce procédé a ainsi créé autant des perdants que des bénéficiaires.

Les trois catégories

Les entreprises et les individus qui ont profité de cette situation chaotique peuvent être classées en trois catégories. La première catégorie comprend les entreprises et les individus qui ont remboursé leurs prêts avec leurs propres comptes bancaires en devises étrangères. La seconde catégorie regroupe les agents économiques, qui ont acheté des chèques en devises étrangères à faible valeur sur le marché, qu’elles ont ensuite déposés sur leurs comptes bancaires pour régler leurs dettes, plutôt que de payer directement en espèces. Un chèque à faible valeur sur le marché désigne un chèque en devises étrangères qui, en raison de divers facteurs tels que la fluctuation du taux de change des devises étrangères par rapport à la monnaie locale, est échangé ou vendu à un prix inférieur à sa valeur nominale. Enfin, la troisième catégorie est composée des entreprises et des individus qui ont remboursé en livres libanaises leurs prêts en dollars au taux de 1.500 livres pour un dollar.

Nécessité d’une loi

Les deuxième et troisième catégories devraient logiquement être ciblées par la taxe, puisqu’elles ont remboursé leurs prêts en dessous de leur valeur réelle. Cette taxe fait l’objet d’un projet de loi actuellement à l’étude par le ministère des Finances. Selon certains juristes, l’instauration de cette taxe requiert le vote d’une nouvelle loi. En revanche, d’autres estiment qu’il n’est pas nécessaire d’adopter une nouvelle législation, car il suffit seulement d’appliquer l’impôt sur les bénéfices, fixé à 17% par la loi fiscale libanaise. Les gains réalisés par les emprunteurs imposables correspondraient à la différence de change entre les taux bancaires et ceux du marché parallèle.

Des pertes pour tous   

Le déposant n’est pas le seul à avoir payé le prix du chaos. Les banques en ont également eu leur part. Le remboursement anticipé des prêts a causé du tort à plusieurs parties. Les banques ont subi un manque à gagner, car le paiement des prêts avant l’échéance les a privées des intérêts qu’elles auraient perçus sur la durée initiale des prêts.

Cela dit, bien que le remboursement anticipé entraîne des pénalités supplémentaires, les entreprises n’étaient pas découragées par ces amendes en raison des profits considérables qu’elles pouvaient réaliser. De plus, la législation leur permettait d’agir ainsi, empêchant les banques de les dissuader de cette démarche.

Le secteur immobilier a été le principal bénéficiaire de la procédure de remboursement anticipé des prêts en lollars. Cette procédure a permis aux particuliers endettés de rembourser leurs prêts immobiliers avec des chèques bancaires en dollars bancaires. Les promoteurs immobiliers ont ensuite utilisé des chèques similaires pour rembourser leurs propres crédits aux banques.

Selon certains experts, une telle taxe pourrait générer des recettes de deux à trois milliards de dollars pour le Fonds de récupération des dépôts, ce qui serait une contribution appréciable.

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