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Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban, Wassim Mansouri, multiplie les rencontres à Londres avec plusieurs responsables de banques correspondantes collaborant avec les banques libanaises et la Banque du Liban (BDL). L’objectif est de réduire les répercussions d’une éventuelle décision défavorable du Groupe d’action financière (Gafi), à l’approche de la réunion déterminante où sera évaluée la conformité des pays aux mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

De son côté, le Liban attend avec impatience l’issue de la réunion qui se déroulera à Paris le 24 octobre en vue de décider de son éventuelle inclusion sur la liste grise des pays non conformes aux mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette décision restera toutefois tributaire des développements récents et des efforts de dernière minute.

M. Mansouri a rencontré les principales banques correspondantes traitant avec le Liban, telles que JPMorgan Chase, Citibank, Bank of New York et Morgan Stanley, parmi d’autres. Ces institutions, qui avaient réduit leurs opérations, ont récemment rétabli leurs transactions avec le Liban.

Selon les informations, M. Mansouri a reçu des assurances concernant la stabilité des relations entre ces banques, le secteur bancaire libanais et la BDL, même si le Gafi décidait d’inscrire le Liban sur la liste grise. Il a été particulièrement rassuré sur la stabilité du système de transferts bancaires entre le Liban et l’étranger. Cependant, éviter cette inscription devient de plus en plus difficile, car le Gafi estime que les poursuites judiciaires au Liban ne répondent pas pleinement aux menaces et aux risques, notamment en ce qui concerne les enquêtes douanières, la lutte contre la contrebande, l’évasion fiscale, le trafic de drogue et la traite d’êtres humains.

L’aspect le plus important à cet égard reste l’absence de mécanisme clair au Liban pour identifier les sources de la criminalité financière, bloquer leurs revenus et les saisir selon les règles du Gafi.

En effet, les autorités judiciaires libanaises n’ont pas encore réussi à instaurer des mécanismes appropriés pour saisir les revenus de ces crimes et les autorités libanaises n’ont pas établi de procédures claires pour la restitution des actifs saisis ou transférés à d’autres juridictions. Par ailleurs, les menaces potentielles posées par les activités des principaux groupes paramilitaires locaux restent sans solution définie.

Il est important de noter que le Liban a surmonté de nombreuses difficultés, dont la plus significative fut son inclusion en 2000 par le Gafi sur la liste des pays non coopératifs en raison de l’existence d’une loi sur le secret bancaire qui entravait les enquêtes internationales ainsi que l’absence, à l’époque, d’une législation indépendante sur la lutte contre le blanchiment d’argent. Par la suite, le Liban a pris les mesures nécessaires, en adoptant une loi sur le blanchiment d’argent conformément aux recommandations du Gafi. Un cadre réglementaire complet a été établi, une autorité d’enquête spécialisée a été créée, alors qu’une coopération et une coordination efficaces ont été mises en place pour répartir les responsabilités entre les différents organismes sécuritaires et judiciaires concernés selon les prérogatives respectives de ces derniers. En 2002, le Liban a été retiré de la liste des pays non coopératifs et a commencé à recevoir des éloges dans les forums internationaux.

En 2015, le Parlement libanais a adopté la loi sur l’adhésion à la Convention internationale des Nations unies pour la lutte contre le financement du terrorisme et a amendé les lois sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la déclaration des transferts d’argent transfrontaliers et l’échange d’informations fiscales. En 2020, la loi sur la lutte contre la corruption dans le secteur public a été promulguée, établissant l’Autorité nationale de lutte contre la corruption. En 2021, le Parlement a également adopté la loi sur la récupération des fonds issus de la corruption. Parallèlement, la BDL a publié les circulaires nécessaires pour soutenir ces réformes et renforcer les banques et institutions financières libanaises.

La crise qui a frappé le Liban a transféré l’activité économique hors du système bancaire, entraînant un passage vers une économie de liquidités et une augmentation de l’activité économique informelle. L’économie de liquidités est mal vue dans le système financier mondial, ce qui suscite des observations et des avertissements de la part des institutions de financement internationales, des banques correspondantes et, en particulier, du Gafi, qui a consacré une section de son rapport d’évaluation à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Pour lutter contre l’économie de liquidités, la BDL a lancé la circulaire 165, autorisant l’ouverture de nouveaux comptes en espèces en dollars et en livres libanaises. Ces comptes simplifient les virements électroniques et les transactions par chèques en espèces, aidant ainsi à réduire le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme tout en diminuant l’utilisation des liquidités. Des mesures ont également été mises en place pour promouvoir les paiements électroniques, diminuant ainsi la dépendance au liquide.

Lors des réunions avec les banques correspondantes, les sources proches de M. Mansouri ont souligné son insistance sur la réévaluation du rapport du Groupe d’action financière sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF) publié récemment. Ce rapport met en lumière l’importance des mesures prises par la BDL et les banques libanaises pour renforcer les dispositifs limitant les opérations suspectes, notamment celles liées au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et à la lutte contre les flux financiers issus de la corruption.

Le rapport d’évaluation réalisé par le groupe régional souligne également la nécessité pour les autorités locales d’apporter des améliorations substantielles à un ensemble de recommandations clés, ainsi que des modifications des lois existantes pour se conformer pleinement aux normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En particulier, cela concerne les mesures visant à poursuivre et saisir les produits et les actifs issus de cette criminalité, ainsi que les accusations et jugements en matière de blanchiment d’argent, qui doivent être plus en phase avec les risques, notamment en imposant des sanctions plus proportionnées et dissuasives.

Dans ce contexte, les sources proches de M. Mansouri insistent sur la nécessité pour le gouvernement libanais de développer un plan d’action collaboratif avec toutes les parties prenantes locales. Soutenu par le pouvoir législatif et les décideurs politiques, ce plan devrait combler les lacunes identifiées et renforcer l’efficacité du système libanais de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Une telle démarche est cruciale pour assurer une réponse cohérente et efficace aux défis actuels et pour améliorer la conformité avec les normes internationales.

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