Quelques évaluations sur la solvabilité du pays
Pour rebondir sur les propos du vice-premier ministre Saadé Chami, avant de se rétracter, peut-on dire que l’État est dans une situation de défaut de paiement uniquement ou d’insolvabilité? On sait que l’État est officiellement en cessation de paiement depuis mars 2020. Mais est-il insolvable, c’est-à-dire incapable irrémédiablement d’honorer ses engagements? Autrement dit, est-ce que les actifs de l’État peuvent couvrir cette dette? Là, on doit scruter les deux variables, le montant de la dette et le montant des actifs, un exercice des plus périlleux.

Les paramètres de la dette

Concernant la dette, elle est de l’ordre de 100 milliards de dollars, mais subdivisée, en gros, en deux parties: 60 milliards de dollars en LL (ou 90 trillions au taux officiel de 1.500) et 40 milliards de dollars en devises. Mais si l’on prend les valeurs du marché, ces montants ne seront plus les mêmes. Les 90 trillions de LL valent aujourd’hui, au taux du marché (25.000 LL le dollar) 3,6 milliards de dollars. De même, les 40 milliards de dollars de dette en devises valent sur le marché international le dixième de leur valeur nominale, soit 4 milliards. Donc on a une valeur réelle de la dette qui équivaut à 7,6 milliards de dollars. Évidemment, ceci est théorique. Pratiquement, la valeur de la dette en devises (les 40 milliards de dollars) sera égale au résultat des négociations de l’État libanais avec les créditeurs, lesquelles négociations n’ont pas encore commencé, deux ans après la cessation de paiement, dans une atmosphère d’abrutissement monumental.

Les richesses du pays


Concernant les actifs, il est désolant de remarquer qu’aucun inventaire n’a connu le premier pas d’un début de commencement, encore une de ces aberrations dont le pouvoir a le secret. Les pseudo-estimations avancées ici et là fluctuent entre 3 milliards et 60 milliards de dollars, c’est dire! Dans les détails, on estime que l’État détient en gros près du dixième du territoire national, sous différents statuts (biens publics, biens appartenant à un ministère ou à une entité publique, biens domaniaux des villages…).

Une deuxième série d’actifs comporte des activités à caractère commercial (MEA, Casino, Intra, Alfa et Touch, Ogero, EDL, ports et aéroports, etc.). Cependant, la valeur de chacune de ces entités ne doit pas être estimée selon sa rentabilité actuelle médiocre, car elles sont mal gérées, mais en prenant en compte leur potentiel futur.

Une troisième série, enfin, comprend toutes les licences que l’État a le droit de vendre en toute souveraineté: droits d’accostage, droits d’exploitation du sous-sol, du littoral et de la zone maritime exclusive, droits d’exploitation des fréquences hertziennes pour les télécoms et les diffusions audiovisuelles, etc. Cela fait qu’en réalité, le pays n’est pas aussi démuni qu’il n’y paraît, même si les gens du pouvoir n’ont rien fait pour en développer le potentiel.

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