Le FMI a annoncé jeudi un accord de principe avec le Liban pour un plan d’aide de 3 milliards de dollars, qui serait relevé en fonction des réformes réalisées par Beyrouth.

Plus de deux ans après le déclenchement d’une des pires crises financières et économique dans le monde, le Liban et le Fonds monétaire international (FMI) ont conclu jeudi un accord cadre qui porte sur une aide première de trois milliards de dollars étalés sur quatre ans, et conditionnée bien entendu par la réalisation de réformes. " Au fur et à mesure que nous avancerons au niveau de la mise en œuvre de ces réformes, cette somme augmentera ", a souligné le Premier ministre libanais, Najib Mikati, après la signature de l’accord, en réaffirmant l’engagement du Liban à coopérer entièrement avec le FMI pour sortir le Liban de sa crise.

L’annonce de l’accord s’est faite à partir de Washington où se situe le quartier général du FMI. Il s’agit d’un " Staff-Level Agreement " (SLA), c’est-à dire d’un accord arrêté par les équipes d’experts.

Le document a été signé par le Premier ministre Najib Mikati, et le vice-président du Conseil des ministres, Saadé Chami, représentant le Liban et par le chef de la délégation du FMI, Ernesto Ramirez Rigo. Celle-ci vient ainsi de clôturer sa mission à Beyrouth et repart vendredi pour Washington. L’accord n’engage en rien le Liban, mais représentera une feuille de route pour une sortie de crise et devra être ratifié par le Parlement libanais.

Le programme accordé au Liban au titre du mécanisme élargi de crédit est aussi soumis à l’approbation de la direction du FMI et de son conseil d’administration, a précisé l’institution dans un communiqué daté de Washington. " Les autorités libanaises ont convenu d’entreprendre plusieurs réformes essentielles avant la réunion du conseil d’administration du FMI ", a ajouté le Fonds.

La délégation de l’organisme international avait entamé fin mars une nouvelle mission à Beyrouth avec l’espoir de parvenir à un accord préliminaire sur un programme d’aide en faveur du Liban. Le mécanisme élargi de crédit " vise à soutenir la stratégie de réformes des autorités pour rétablir la croissance et la viabilité financière, renforcer la gouvernance, la transparence et augmenter les dépenses sociales et de reconstruction ", a précisé le Fonds.

Selon le communiqué du FMI, " les autorités libanaises reconnaissent la nécessité urgente de lancer un programme de réformes à plusieurs volets pour relever les défis auxquels le pays est confronté, restaurer la confiance et remettre l’économie sur une trajectoire de croissance durable, avec une activité du secteur privé et une création d’emplois plus fortes ".

À cet égard, leur plan repose sur cinq piliers clés :

  • Restructurer le secteur financier pour rétablir la viabilité des banques et leur capacité à allouer efficacement les ressources pour soutenir une reprise ;
  • Mettre en œuvre de réformes budgétaires associées à la proposition de restructuration de la dette publique extérieure. Cette mise en œuvre garantira la viabilité de la dette et créera un espace pour investir dans les dépenses sociales, la reconstruction et les infrastructures ;
  • Réformer les entreprises publiques, notamment dans le secteur de l’énergie, pour fournir des services de qualité sans épuiser les ressources publiques ;
  • Renforcer les cadres de gouvernance, de lutte contre la corruption et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT) afin d’améliorer la transparence et la responsabilité, notamment en modernisant le cadre juridique de la banque centrale et les dispositifs de gouvernance et de responsabilité ;
  • Établir un système monétaire et de taux de change crédible et transparent.

" Des politiques et des réformes décisives dans ces domaines, ainsi qu’un financement extérieur important, sont nécessaires pour atteindre les objectifs des autorités au cours des prochaines années ", estime le FMI.

Restructuration de la dette

Le FMI a néanmoins rappelé que ce programme devra être complété par la restructuration de la dette publique extérieure libanaise avec l’objectif d’y faire participer suffisamment les créanciers pour rétablir la viabilité de la dette.  " Le Liban est confronté à une crise sans précédent, qui a entraîné une contraction économique dramatique et une forte augmentation de la pauvreté, du chômage et de l’émigration ", a souligné Ernesto Ramirez Rigo, après la signature de l’accord.

Environ 80% de la population libanaise sont en effet plongés dans la pauvreté. Le responsable du FMI a souligné que cette crise est " une manifestation de vulnérabilités profondes et persistantes générées par de nombreuses années de politiques macroéconomiques non viables qui ont alimenté d’importants déficits ". Il a aussi noté que les autorités avaient apporté leur soutien à un taux de change surévalué et que le secteur financier était surdimensionné. Enfin, il a relevé de " graves problèmes de responsabilité et de transparence ". Autant de problématiques auxquelles les autorités libanaises devront répondre. En outre, la crise a été aggravée par la pandémie de Covid-19 et l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, et plus récemment par la guerre en Ukraine.

Aoun : des réformes efficaces

Réagissant à la signature de l’accord, le président Michel Aoun a jugé nécessaire " la mise en oeuvre de politiques et de réformes efficaces afin de dynamiser l’économie, rétablir la confiance dans le pays ". Il a jugé tout aussi indispensables, " une reconnaissance franche des pertes au niveau du système financier et un accord au sujet des moyens de les régler ".