S’il y a un dénominateur commun au niveau des opposants à l’adoption du projet de loi sur le contrôle des capitaux, c’est a priori leur rejet de "règlements par morceau", aux dépens des ayants-droit.  Le contrôle des capitaux doit aller de pair avec le vote d’une série d’autres mesures à caractère financier et leur intégration au plan global de redressement économique. 

Il est clair qu’au cas où des réformes financières et monétaires seraient énactées, le vote par le Parlement d’un contrôle des capitaux deviendra une mesure superflue.

Sur le terrain, un contrôle des mouvements de fonds est appliqué de facto, d’une manière sélective, depuis le 17 octobre 2019. L’officialisation de ce contrôle ne changera, à présent, en rien la donne. Bien au contraire, elle contribuerait à exacerber la tension d’autant que la dernière mouture du projet en question a donné des prérogatives extensives à une commission ad hoc – formée du Premier ministre, des ministres des Finances et de l’Économie et du gouverneur de la Banque centrale – qui lui permettent d’accepter ou de refuser l’ouverture d’un nouveau compte bancaire, d’une lettre de crédit, le dépôt d’un chèque, le transfert d’argent, que ce transfert soit en faveur d’un commerçant ou d’un individu.

C’est spécifiquement cette clause du projet de loi sur le contrôle des capitaux qui a été au centre des discussions de la réunion conjointe de la commission parlementaire des Finances et du budget et de celle de l’Administration et de la Justice qui a eu lieu mardi dans la matinée.

Une source parlementaire a indiqué que les contours juridiques de l’action de la commission ad hoc ont été reformulés ainsi que son mode de composition de manière à apaiser les craintes des citoyens quant à d’éventuels abus de pouvoir. Ses travaux et décisions seront promulgués par décret pris par le Conseil des ministres. Des limites ont été définies à son champ d’action.

Interrogée par Ici Beyrouth, une source proche du Premier ministre a souligné qu’une lecture minutieuse des lois permet de voir que dans sa mouture initiale cette commission avait beaucoup moins de prérogatives que le Conseil central de la Banque du Liban réuni.

Une loi différente 

En effet, le gouvernement, qui a présenté un texte revu du projet de contrôle des capitaux, n’a fait que battre et rebattre les cartes, ne touchant pas à l’esprit et aux idées directives du texte initial. Les Libanais ont besoin aujourd’hui d’une loi de contrôle des capitaux dont l’objectif est différent de la loi qui aurait dû être votée en 2019. "Les forces vives du marché réclament une réorganisation des relations entre le banquier et son client, qu’il soit débiteur ou déposant", souligne Mohamad Fheili, expert en gestion des risques, qui ajoute que "toute orientation du pouvoir législatif ou exécutif vers la création de pressions supplémentaires sur les liquidités en circulation sur le marché auront pour effet de créer non seulement des pressions inflationnistes accrues mais conduiront à resserrer l’étau autour du consommateur, voire à l’étouffer littéralement."

Même son de cloche du côté d’un autre expert économique Jassem Ajjaka qui met l’accent sur la nécessité de trouver une solution aux problèmes des chèques et aux limitations de retrait des fonds. "Une solution pour redynamiser les rouages de l’économie est pressante", souligne-t-il, ajoutant "qu’un contrôle des capitaux d’une longue durée sera le coup de grâce à une économie agonisante". Le Liban a besoin de liquidités pour financer la facture de la consommation et celle de l’investissement.

Il est vrai que le pouvoir, en l’occurrence, le gouvernement, ne peut plus se permettre le luxe de prendre son temps pour juguler une situation financière en chute libre. Toutefois, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Sinon le pire sera à venir. Représentants du peuple, hâtez-vous lentement dans l’examen du projet de contrôle des capitaux.