Jamais l’histoire récente du Liban ne nous aura enseigné avec autant de clarté l’importance du concept de la " neutralité ". Jamais l’histoire récente du Liban ne nous aura donné de meilleur momentum pour repenser notre société et l’économie de demain, une économie résiliente, viable et dynamique.
La région du Moyen-Orient est en pleine ébullition avec les pays du Golfe qui cherchent à freiner la stratégie expansionniste de la République islamique iranienne. Son issue ne pourra que léser une partie de la famille plurielle libanaise et cantonner encore plus le Liban dans un rôle de terrain d’affrontement régional qui a tué, blessé, déplacé et humilié des centaines de milliers de libanais durant les dernières décennies.
La colère suscitée suite aux déclarations du ministre libanais de l’Information, qui ont été conçues comme étant de nature contraire aux politiques des pays arabes du GCC, les a conduits à prendre des mesures isolant davantage le Liban. La domination progressive du Hezbollah, puissant mandataire politique et fidèle allié de l’Iran au Liban, et de ses alliés au sein des derniers gouvernements libanais montre l’influence iranienne croissante au Liban. L’Arabie saoudite a pris la mesure la plus radicale en 2017, lorsqu’elle a forcé le Premier ministre de l’époque, Saad Hariri, à annoncer sa démission, en invoquant la domination du Hezbollah.
Dans l’espoir qu’une telle crise diplomatique se règle de manière pacifique, il ne fait aucun doute qu’elle laissera de graves empreintes sur une nation déjà en crise profonde et à la recherche d’une sortie bien nécessaire pour réduire les énormes pressions économiques sur sa population. En effet, les exportations libanaises vers les pays du GCC s’élèvent à 1 milliard de dollars par an, soit près de 35 % du total des exportations libanaises, ainsi que 3 milliards de dollars en envois de fonds annuels émanant de la diaspora de 380 000 Libanais dans le GCC. Les impacts sur le pays du Cèdre de cette géopolitique tourmentée sera un coup dur, car l’interdiction d’importation signifie la perte de millions de dollars en devises étrangères dont le pays a désespérément besoin. Et toute nouvelle escalade pourrait compromettre l’emploi de plus de 350 000 Libanais dans les États arabes du Golfe, qui envoient des millions de dollars dans leur pays.
Compromettre ces flux de capitaux vers le Liban aura des répercussions catastrophique sur l’activité économique au Liban qui a déjà enregistré une chute sans précédent avec le PIB qui a perdu plus de $30bn pour atteindre $19bn en 2020. Une situation qui devrait se poursuivre en 2021, surtout que le premier trimestre de cette année a connu une nette augmentation des importations parallèlement à une baisse des exportations. La balance commerciale du Liban a enregistré un déficit de 2,63 milliards de dollars sur le premier trimestre de 2021, en augmentation de 30,5 % par rapport à celui de 2,02 milliards du premier trimestre de l’année dernière.
Le Liban doit impérativement s’attaquer à son déficit commercial chronique. Le déficit commercial du Liban avec ces 5 pays de l’axe iranien (Russie, Iran, Chine, Venezuela, Cuba, Syrie) a représenté 13% du déficit commercial total en 2017, contre une contribution de seulement 1% pour les pays du Golfe. Si le Liban est amené à développer des relations commerciales avec les pays de l’axe iranien au dépend de celui des pays du Golfe, cela ne ferait qu’aggraver encore plus la situation et il sera désormais impossible au Liban d’aboutir à une situation d’équilibre commerciale durable à long terme.
Cependant, il est possible de transformer cette crise en une opportunité, en redéfinissant la politique étrangère du pays. Une politique qui vise à défendre autant l’intérêt national que celui du citoyen libanais, d’œuvrer au développement du pays et au bien-être de sa population, tout en préservant la diversité enrichissante de sa société.
Le Liban doit donc déclarer sa neutralité aussi bien par fidélité à sa vocation originelle que dans le but d’instaurer un mécanisme vertueux prémunissant ses communautés des influences destructrices émanant de l’étranger.
Elle n’implique pas une démission du Liban face à Israël et un renoncement aux causes arabes. Bien au contraire, elle implique un endossement objectif des causes communes à la communauté arabe et un non-alignement sur les dossiers conflictuels. La question d’Israël n’en subit donc aucune modification et devra continuer à être régie par l’accord d’armistice de 1949 et par les différentes résolutions de l’ONU qui consacrent le droit du Liban face à Israël.
La neutralité est aujourd’hui plus que jamais réalisable, les Libanais ayant finalement intégré la notion du ni " vainqueur, ni vaincu " et payé de leur personne l’asservissement chronique à l‘étranger de ces dernières décennies.

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