Pour décarboner la France d’ici à 2050, les investissements doivent augmenter de 60 à 80 milliards d’euros par an, selon une étude présentée lundi par le Medef, qui demande une baisse massive des impôts de production pour financer cet effort.

Sur la base de cette étude réalisée par l’institut Rexecode, la première organisation patronale française reconnaît que si les émissions de carbone baissent en France, elles ne le font pas suffisamment vite.Un investissement supplémentaire d’environ 10% pour les entreprises et 20% pour les ménages serait donc nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.Cela nécessite que l’investissement total en France, actuellement d’environ 600 milliards d’euros par an (dont 100 milliards pour le secteur public), augmente rapidement de 60 à 80 milliards supplémentaires et se maintienne ensuite à ce niveau, d’après l’institut.

Durant les campagnes présidentielle et législative, " on parle peu et mal de transition, mais surtout on évite le sujet qui fâche, qui est de dire que pour transformer l’économie il y a des investissements très significatifs à faire ", a regretté lors d’une conférence de presse commune avec Rexecode le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.

Pour que les entreprises puissent augmenter de 10% leurs investissements, qui s’élèvent actuellement à 350 milliards d’euros par an, " on demande à être taxés comme dans la moyenne européenne: cela ferait une baisse d’impôts de production de 35 milliards par an, ce qui permettrait de financer cette décarbonation ", a précisé M. Roux de Bézieux.

Son appel fait écho à un rapport publié lundi par le Conseil national de la productivité, dans lequel l’organisme gouvernemental juge que la France bénéficierait grandement d’une harmonisation européenne de la fiscalité des entreprises, alors que les impôts de production pèsent encore 2,9% du PIB en France, contre 0,6% en Allemagne.

Dans son programme pour le nouveau quinquennat, Emmanuel Macron a proposé de supprimer l’un de ces impôts, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui rapporte annuellement 7 milliards d’euros à l’Etat.

Dette incontrôlable

Mais une baisse plus massive, surtout si elle est rapide, viendrait creuser un déficit public déjà aggravé par deux ans de crise sanitaire. " On arriverait à une dette publique absolument incontrôlable ", a déclaré à l’AFP Michel Didier, président de Rexecode.

Pour résoudre ce dilemme, l’institut d’inspiration libérale juge " nécessaire d’orienter massivement l’épargne privée vers l’investissement ", tout en limitant les risques pour les épargnants à l’aide d’un " fonds à capital garanti ", sur le modèle de l’assurance vie.

Pour l’Etat " un fonds de garantie c’est dix fois moins cher que l’investissement direct ", plaide Michel Didier.

Les ménages, dont l’investissement pèse environ 150 milliards d’euros, devraient aussi l’augmenter de l’ordre de 20% en rénovant leur logement pour le rendre moins énergivore et en passant à la mobilité électrique, d’après l’étude de Rexecode.

Mais le Medef souligne que si les particuliers peuvent espérer amortir en cinq ans le surcoût lié à l’achat d’une voiture électrique et entre 10 et 20 ans l’isolation de leur logement, les investissements pour les entreprises sont souvent des " coûts purs ".

Les coûts de la décarbonation sont certes élevés, mais M. Roux de Bézieux alerte sur " le coût de l’inaction climatique, très difficile à chiffrer mais qui se situe en centaines de milliards ". " Pour nous ce n’est pas une alternative viable ", ajoute-t-il.

Le travail de Rexecode a consisté à " chiffrer les objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) ", a expliqué à l’AFP Raphaël Trotignon, qui pilote les travaux du pôle énergie-climat de Rexecode.

" On ne s’est pas posé la question de savoir si les objectifs étaient bien répartis dans le temps et entre secteurs ", a-t-il détaillé.

L’étude a établi des trajectoires d’émissions sectorielles pour sept grands secteurs, à commencer par le transport qui pèse 31% du total, devant l’industrie et l’agriculture, qui comptent pour 19% chacun.

Pour les bâtiments, dont le chauffage représente 17% des émissions en France, le respect des objectifs climatiques implique " un rythme très élevé de rénovations entre 2023 et 2030 " pour un investissement annuel supplémentaire de plus de 30 milliards d’euros par an, détaille Rexecode.

Avec AFP