C’est avec des grincements de dents que les personnes à revenus limités ont réagi à la promulgation du décret portant le salaire minimum à 2.025.000 livres, signé le 12 mai, trois jours avant les législatives.

Fixer un nouveau seuil à l’échelle des salaires était à la fois inutile et superflu dans un contexte d’hyper crise croissante. Nombreux ont ricané face à cette décision censée, selon la définition du code de travail, alléger le coût de la vie et pourvoir aux besoins du salarié et de sa famille les plus élémentaires.

Ce n’est certainement pas en ayant recours à des mesures de rabibochage, vidées de leur sens, que le pouvoir fera face à la déferlante de l’inflation. Sachant que le pire est à venir. Le pays doit faire face à des échéances constitutionnelles dans un futur proche alors que l’autorité n’a pas réussi à dissocier l’économie de la politique et continue de retarder les réformes indispensables en vue d’un début de redressement.

Une législation d’exception

En période d’effondrement, il est difficile de s’appuyer sur des principes ordinaires pour assurer une protection sociale aux ménages à revenus limités. Une législation d’exception est nécessaire afin d’assurer un équilibre entre deux valeurs importantes, à savoir la liberté contractuelle et le salaire minimum équitable. C’est pour cette raison que l’on constate aujourd’hui que le montant proposé comme salaire minimum reste en deçà des contraintes qu’impose la réalité de la vie du salarié et en même temps lourd pour les employeurs.

Dans ce contexte, on note également de la part du patronat des tentatives de contournement d’un réajustement des salaires par l’augmentation d’autres avantages, tels que l’indemnité de transport, qui est un revenu et non un poste de dépenses lorsqu’il dépasse le coût réel du transport vers le lieu de travail.

Stagflation et inflation

La stagflation – contraction des mots stagnation et inflation – qui prévaut au Liban, est le résultat d’une inflation à trois composantes, à savoir une inflation par excès de création de monnaie (la lirifaction obligatoire des dollars bancaires), une inflation importée (celle des coûts en raison de la guerre en Ukraine), et une inflation par la demande (la levée du système de subvention).

A titre de rappel, le taux d’inflation mensuel a enregistré un sommet de 208,13% en mars 2022 contre 157,86% en mars 2021. Mardi, le barème des dérivés pétroliers a, quant à lui, enregistré une hausse de 35.000 livres pour les 20 litres d’essence 95 octane, de 34.000 livres pour les 98 octane et de 16.000 livres pour les 20 litres de mazout et la bonbonne de gaz.

Aussi est-il important de souligner que le taux d’inflation élevé au Liban érode davantage le pouvoir d’achat des citoyens, car la majorité d’entre eux sont payés en livres libanaises. En ce sens, la stabilité du taux de change est obligatoire afin de maintenir un taux d’inflation acceptable.

Envolée du billet vert

Sur le terrain, le marché a anticipé la complexité de la période post-électorale, le billet vert entamant une courbe ascensionnelle face à la livre à partir du début du mois de mai. La valeur du billet vert face à la livre a enregistré un pic mardi, avec un dollar s’échangeant à 30.000 LL. Dans le même temps, et dans une tentative de calmer un tant soit peu les spéculations, la Banque centrale a publié mardi midi un communiqué  dans lequel elle a affirmé poursuivre l’application de la circulaire 161 qui prévoit la vente de dollar par la BDL contre des livres libanaises en cash et ce, sans aucune limite.